La fusion entre TF1 et M6 semble compromise

Publié le 26 juil. 2022 à 19:45Mis à jour le 27 juil. 2022 à 15:11

La fusion TF1-M6 a du plomb dans l’aile. A la toute fin de la conférence de présentation des résultats trimestriels de M6, Nicolas de Tavernost, le président du directoire de M6, a lâché une bombe : le rapport d’instruction des services de l’Autorité de la concurrence, qui examine ce mariage, soulève des « problèmes de concurrence significatifs », notamment en ce qui concerne la publicité. Ce premier rapport « n’est pas favorable », a-t-il résumé.

Précisément, la nature et l’étendue des remèdes préconisés pourraient enlever toute « pertinence » au projet des parties, qui dans ce cas, l’« abandonneraient ».

Toutefois, le patron de M6 a tenu à rassurer, indiquant que les deux groupes allaient répondre à l’Autorité de la concurrence dans les trois semaines à venir et que les parties prenantes ne renonçaient pas à la création d’un géant français de la télévision pour autant. Il a ajouté que le rapport remis par les services de l’instruction de l’ADLC « ne préjugeait pas de la décision finale. Il revient au collège de décider ». Des auditions devant le collège sont programmées les 5 et 6 septembre.

Un peu plus tard dans la soirée, les différentes parties prenantes ont publié des communiqués avec les mêmes éléments. Selon nos informations, celles-ci ont été obligées de communiquer sur ce rapport de l’antitrust poussées par l’Autorité des marchés financiers, alors que les conclusions risquaient d’être considérées comme une information sensible.

Quoi qu’il en soit, le marché n’a pas apprécié. Même si la Bourse n’avait pas vraiment « pricé » cette fusion, les investisseurs n’ont pas bien pris la nouvelle, alors que la fusion semblait être en bonne voie, avec le soutien implicite des pouvoirs publics, qui se sont déclarés favorables par le passé. TF1 perdait 2 % en milieu de journée et M6 – qui avait aussi présenté ses résultats sans optimisme sur la publicité à venir – plus de 6 %.

Pas « à n’importe quel prix »

Il y a quelques mois, Nicolas de Tavernost avait déjà prévenu dans un entretien aux « Echos » que la fusion ne se ferait pas à n’importe quel prix. « La fusion est faite pour se renforcer. Elle n’est pas faite pour s’affaiblir. Nous avons déjà des contraintes fortes avec la cession de chaînes de télévision qui nous est imposée par la loi en cas de rapprochement entre TF1 et M6 […] Si nous ne pouvons pas mettre en oeuvre un programme complet de synergies dans le cadre de cette fusion, pour investir davantage dans de nouvelles activités, nous ne ferons pas la fusion entre TF1 et M6 », avait-il déclaré.

Dès l ‘annonce de la fusion au printemps 2021, Bertelsmann (maison mère de M6) et Bouygues (maison mère de TF1) plaidaient pour un changement copernicien de la philosophie de l’Autorité de la concurrence tenant compte des récents bouleversements de l’industrie. Etant donné, d’un côté, la concurrence des géants Facebook et Google et de l’Internet en général et, de l’autre, celle de Netflix, YouTube, Amazon et Disney+, le marché de référence pour examiner une éventuelle position dominante a changé, plaidaient les deux groupes.

Pour eux, le marché pertinent qui doit permettre de déterminer si TF1 et M6 sont en position dominante n’est pas celui de la publicité télévisée traditionnel mais il faut prendre en compte le marché de la publicité en intégrant l’univers digital. L’actionnaire allemand de M6 voyait même cette opération comme une sorte de test susceptible d’ouvrir la porte à d’autres opérations de consolidation en Europe.

L’annonce récente de Netflix de proposer des offres avec publicité – ce qui en ferait un concurrent encore plus direct des chaînes de télévision – avait donné un argument supplémentaire à TF1-M6 pour leur fusion. L’opération, présentée en mai de l’année dernière, avait pour but « d’apporter une réponse française aux défis des plateformes mondiales », en créant un mastodonte français de la télévision avec un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros.

Le rapport de l’ADLC, même s’il n’est pas public, ne semble pas aller dans ce sens.