Comment les banques françaises ont fait de l’Europe leur place forte

Une accélération fulgurante ces quinze dernières années. A l’instar de Crédit Agricole et de ses récentes opérations en Italie, les grandes banques françaises ont mis la priorité sur leur développement dans la zone euro.

Selon une récente étude réalisée par la Banque de France, qui se base sur les bilans de BNP Paribas, Société Générale, Crédit Mutuel, BPCE, Crédit Mutuel et HSBC Continental Europe, la zone euro représentait, à la fin de l’année dernière, 39 % du total des actifs investis par ces établissements à l’international, soit près de 1.500 milliards d’euros. En 2005, cette part n’était « que » de 27 %.

Ces expositions sont à la fois le fruit de l’implantation et le développement de filiales bancaires et d’assurance dans des pays européens, mais aussi la conséquence de l’expansion de l’activité de banque de financement et d’investissement avec des clients dans la zone.

Nouvelles institutions

« Parmi les facteurs d’explication de ce dynamisme se trouvent une croissance mondiale et européenne solide et les progrès constants du marché bancaire unique, ​tant sur le plan législatif et réglementaire que sur le plan institutionnel », explique la Banque de France, avec notamment la création de nouvelles institutions comme le mécanisme de surveillance unique (MSU) et le mécanisme de résolution unique (MRU), qui ont permis d’harmoniser les dispositifs de supervision.

Bien présents en zone euro, les établissements français sont également actifs dans le reste du monde. Avec 3.764 milliards d’euros d’expositions à l’étranger, le secteur bancaire se classe au quatrième rang en termes d’internationalisation des actifs, derrière le Japon, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

La part des engagements internationaux dans les bilans représente 39 % de l’ensemble de leurs actifs, avec une présence notable en Amérique du Nord.

L’Italie, destination favorite des banquiers

Les banques françaises concentrent leur activité dans les pays développés. Dans la zone euro, elles se sont surtout développées dans les pays frontaliers, où elles ont pu établir de puissantes filiales, sans forcément créer de synergies entre ces marchés, faute de réelle union bancaire à ce stade.

L’Italie demeure la destination favorite des banquiers français , où BNP Paribas, Crédit Agricole, mais aussi La Banque Postale, via sa nouvelle filiale CNP Assurances, sont bien implantés. En Belgique, BNP Paribas est même devenu le leader du marché, avec le rachat et le développement de sa filiale Fortis. En Allemagne, le groupe Crédit Mutuel Alliance fédérale profite de la bonne implantation de sa filiale Targo Bank, active dans le crédit à la consommation.

« Une tendance de fond semble se dégager par laquelle les groupes français, au‑delà de leur rôle central en France, deviennent de plus en plus des acteurs résolument européens, participant très largement au financement de la zone euro », assurent les auteurs de l’étude.

Cependant, la présence des banques françaises n’est pas toujours la bienvenue. La multiplication des opérations réalisées cette année par Crédit Agricole en Italie, où il a, coup sur coup, racheté la banque régionale Creval et acquis 10 % du capital de Banco PM, commence à faire tiquer la classe politique , et notamment la coalition de droite, donnée favorite aux prochaines élections législatives .

Réduction de la voilure hors d’Europe

Cette concentration des établissements tricolores sur la zone euro est aussi le résultat d’une réduction de la voilure dans d’autres régions du monde. Jadis très implantée en Europe de l’Est et en Europe centrale, ce qui en faisait l’une de ses spécificités, Société Générale a ainsi quitté de nombreux pays pour se concentrer, dans cette zone, sur la République tchèque et la Roumanie. La guerre en Ukraine l’a aussi contrainte, au printemps, à sortir précipitamment de Russie .

De l’autre côté de l’Atlantique, BNP Paribas a réalisé une belle affaire en cédant, fin 2021, sa filiale californienne Bank of the West pour plus de 16 milliards de dollars, deux ans après avoir revendu une autre filiale américaine, First Hawaïan. Un pactole qui, une fois l’opération finalisée, pourrait permettre de saisir de nouvelles opportunités, plus près de Paris.