«Et si l’avenir de la République était dans les communes ?». La chronique d’Erwan Le Noan

A première vue, la démocratie française se porte mal : le débat public y semble systématiquement polémique, la défiance vis-à-vis des institutions y est forte et l’attrait pour les partis populistes croissant. Dans tous les partis, les propositions d’inspiration autoritaire se multiplient et la liberté ne semble décidément plus être un critère d’évaluation des politiques publiques. Le résultat de ce délitement civique est que le « vivre-ensemble » se détruit progressivement.

Confronté à ce constat qu’études et enquêtes ne cessent de documenter, notre Etat hypercentralisé, qui ne semble parfois connaître les citoyens qu’à travers des statistiques et des rapports bureaucratiques, agit. Régulièrement, des commissions administratives de revitalisation de la démocratie accouchent de propositions dont on perçoit qu’elles ne peuvent avoir été conçues qu’en chambre, loin des réalités sociales et rarement nourries de comparaisons internationales ou historiques. Peu importe, rien ne résiste à l’intelligence abstraite dès lors qu’elle aura conçu un plan parfait ! Evidemment, l’échec est systématique.

Une première piste de consolation pourrait être qu’en dépit du génie exceptionnel de l’esprit français, ces maux ne semblent pas propres à notre pays. Ils se retrouvent dans une très grande partie des démocraties occidentales. Une étude du Pew Research montrait ainsi récemment qu’aux Etats-Unis, Républicains et Démocrates semblent toujours plus éloignés les uns des autres – et hostiles les uns aux autres.

Une seconde piste de consolation est d’identifier que, dans notre République fatiguée, il reste quelques îlots de confiance et de vie (relativement) collective : les communes. Les maires bénéficient ainsi d’un niveau de confiance exceptionnellement élevé (65% en moyenne selon le baromètre du Cevipof), très loin devant leurs homologues élus nationaux.

Quels enseignements en tirer ?

Segmentation forte. D’abord que les citoyens font confiance aux élus proches d’eux, mais surtout qui ont la charge de trouver des solutions concrètes et opérationnelles dans leur quotidien. Comme l’expliquait Michael Nutter, maire de Philadelphie (auteur de Mayor), il n’y a pas de façon « de gauche » ou « de droite » d’avoir des rues propres et sécurisées ; il y a ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. En 2013, Benjamin Barber avait vanté la même idée dans un livre, If mayors ruled the world.

La « communauté » locale, premier échelon de vie politique, a besoin aujourd’hui de retrouver de la vitalité : elle peut être le socle qui redonnera de la force à des nations fracturées

Ensuite, qu’il est possible de partager des éléments « communs », dans les « communes », même s’il existe évidemment mille difficultés. La « communauté » locale, premier échelon de vie politique, a besoin aujourd’hui de retrouver de la vitalité : elle peut être le socle qui redonnera de la force à des nations fracturées – comme l’explique Raghuram Rajan dans un ouvrage récent (The Third Pillar: How Markets and the State Leave the Community Behind).

Enfin, qu’il existe aujourd’hui une segmentation forte du monde politique entre, d’une part des élus nationaux qui, détachés de fait de la gestion quotidienne, peuvent se permettre le populisme et l’opposition systématique ; et d’autre part des élus locaux qui sont ramenés chaque jour aux réalités et à l’impératif de faire coexister des intérêts divergents. Ce n’est à ce titre pas un hasard si, par exemple, LR compte au Parlement maints édiles locaux et des élus nombreux dans les collectivités.

En somme, plutôt que créer de nouveaux organes administratifs, appuyons-nous sur les communes !

Erwan Le Noan est partner du cabinet de conseil Altermind, membre du conseil scientifique de la Fondapol. Retrouvez sa chronique chaque dimanche sur lopinion.fr et le lundi dans l’édition papier du journal.