« Free, c’est l’arme anti-inflation » affirme son DG

Vous venez de publier un bon deuxième trimestre, avec une croissance de 6,6 % au niveau du Groupe. Pourtant, le contexte économique est morose, entre la guerre en Ukraine et l’inflation…

Si Iliad fait face à la crise , c’est grâce à son modèle industriel et commercial bâti pas à pas. Nous maîtrisons nos coûts. Nous innovons sans cesse. Nous pouvons offrir le meilleur au meilleur prix. Bien sûr, nous faisons face, comme tout le monde, à un contexte hyperinflationniste, avec une hausse des coûts d’approvisionnements et d’énergie. Mais nous sommes en partie protégés par notre modèle de croissance qui est unique en Europe. Iliad est désormais « convergeant » dans ses 3 pays d’implantation, la France, l’Italie et la Pologne, ce qui fait que nous pouvons proposer à la fois des offres fixes et mobiles. Au cours du premier semestre, nous avons été numéro 1 en termes de gain de parts de marché dans nos trois géographies. Parallèlement, notre rentabilité a progressé de 10 %. Enfin, nous avons renforcé notre solidité financière, en cédant des participations minoritaires dans des sociétés d’infrastructure pour 1 milliard d’euros et en levant 5 milliards d’euros de financement auprès d’un pool de 23 banques. Nous avons tous les atouts pour continuer de grandir.

En France, les ventes de fibre se tassent après le boom des confinements, et la 5G ne décolle pas vraiment. Cela vous inquiète ?

La France reste la championne du monde de vitesse de déploiement de la fibre ! Déployer la fibre, c’est un marathon, or nous l’avons fait à la vitesse d’un sprint. Les ventes avaient atteint un record pendant la pandémie. La croissance est désormais plus mesurée, mais le rythme reste soutenu. 60 % de notre base d’abonnés a déjà basculé vers la Fibre, c’est le plus fort taux de pénétration parmi les 4 opérateurs français.

Le prix des forfaits fixe et mobile pourrait-il augmenter, dans ce contexte d’inflation ?

Free, c’est l’arme anti-inflation. Nous n’avons pas augmenté le prix de nos forfaits mobiles 2€ et 19,99€ sur les 10 dernières années, et nous nous sommes engagés en ce début d’année à ne pas y toucher non plus sur les 5 prochaines. Pourtant nos offres se sont considérablement enrichies, avec la 4G puis la 5 g incluses, toujours plus de data…

Il s’agit d’un engagement très exigeant, dans le contexte d’augmentation des coûts de l’électricité. Nous sommes entrés sur le marché [en 2012, NDLR] avec une promesse de pouvoir d’achat, nous la tenons. Nous sommes fiers de proposer des prix abordables qui contribuent à réduire l’exclusion numérique, contrairement à ce qu’on peut voir aux Etats-Unis…

Iliad a changé d’échelle en arrivant en Italie et en Pologne. Quelle est votre feuille de route dans ces deux pays ?

En quelques années, nous sommes en effet passés du statut de challenger franco-français à celui de champion européen. Iliad est aujourd’hui le sixième opérateur du continent, avec 45 millions d’abonnés. Chaque jour, 1 Européen sur 10 utilise nos réseaux. Au cours des 4 dernières années, nous avons doublé notre base d’abonnés, multiplié par deux notre chiffre d’affaires et nous sommes passés de 8.000 à 16.500 collaborateurs. Le tout sans hériter d’un quelconque monopole ou précarré, à la différence des opérateurs historiques ! Iliad s’est construit dans une démarche très entrepreneuriale. La priorité, maintenant, c’est de mettre en oeuvre les synergies industrielles et commerciales. Nous comptons ainsi nous développer sur le marché des entreprises dès l’année prochaine en Italie.

Vous avez fait une offre à plus de 11 milliards d’euros pour racheter les activités italiennes de Vodafone, sans succès… La consolidation en Italie, c’est terminé ?

Non. Si jamais une occasion se présentait, nous nous porterions acquéreur. Le marché italien est atypique, très concurrentiel, avec 5 opérateurs contre 3 ou 4 dans la plupart des pays européens. Mais pour le moment, nous traçons notre voie de façon autonome. En quatre ans, nous avons déjà conquis 9 millions d’abonnés mobiles en Italie, et 68.000 abonnés Fibre depuis le lancement de notre iliadbox en février.

Comme Altice, Iliad est sorti de la Bourse il y a un an… Cela ne limite pas les marges de manoeuvre pour faire des opérations ?

Non, au contraire, le retrait de la cote nous a donné une plus grande latitude stratégique. Nous n’avons aucun problème d’accès aux marchés de la dette, comme en témoignent les 5 milliards d’euros levés récemment. Les marchés actions ont été extrêmement utiles à Iliad au début de notre aventure. Désormais, le temps long de notre métier, à savoir la construction de réseaux, correspond mieux au temps long des marchés de la dette.

La box Triple Play, avec voix, Internet et télévision, est-elle toujours pertinente face aux plateformes comme Netflix, sans parler du recul de la téléphonie traditionnelle ?

Plus que jamais ! La Freebox est au coeur de notre politique d’innovation et nous permet de faire vivre notre singularité. Depuis 20 ans, l’internalisation de la conception de nos Freebox a permis de développer un savoir-faire unique et un état d’esprit particulier au sein de nos équipes de R&D. Ce savoir-faire est réutilisé pour concevoir certains équipements de réseaux mais aussi les couches logicielles de nos solutions cloud propriétaires. C’est une vraie exception parmi les opérateurs Télécoms européens et un moyen de maîtriser nos coûts et de nous différencier.

Comment Free peut-il avoir des ambitions dans le cloud alors que vous ne partez de rien et êtes face à des géants ?

L’Europe ne peut pas considérer avoir perdu définitivement la bataille du Cloud face aux plateformes américaines. Le Cloud dans sa dimension logicielle est un enjeu essentiel de souveraineté au même titre que l’énergie. 75 % du marché des entreprises et des administrations n’a pas encore basculé dans le cloud. Il reste encore beaucoup de potentiel de croissance sur ce marché. Or aujourd’hui, il y a une forme de servitude volontaire en Europe… Le continent encadre sa dépendance aux solutions américaines plus qu’il ne la combat. Il existe des acteurs européens comme OVH , Outscale ou encore notre filiale Scaleway qui montent en puissance. Il faut les accompagner, non pas via des subventions mais par un meilleur accès aux marchés publics.

Le marché unique et la commande publique sont des leviers extrêmement puissants pour faire naître des champions européens. Aux Etats-Unis, l’administration sait jouer de l’arme de la préférence économique nationale et de la taille du marché américain. De la même façon l’Europe pourrait lancer une forme de « Buy European Act » qui inciterait les administrations à passer au moins une partie de leurs contrats cloud à des acteurs européens qui maîtrisent la couche logicielle du Cloud et qui ne se contentent pas de revendre des solutions non européennes.