
Vingt ans après l’avoir quitté, les talibans sont revenus au pouvoir le 15 août 2021. Depuis, le pays connaît une crise sans précédent.
Barbe obligatoire pour les hommes, burqa pour les femmes, musique interdite… Les talibans qui avaient juré leurs grands dieux qu’ils avaient changé avant de reprendre Kaboul, le 15 août 2021, ont vite montré que le “ripolinage” de façade n’était qu’un artifice de communication.
Le président Ashraf Ghani n’avait pas reconnu la victoire des fondamentalistes depuis plus d’un mois que ces derniers remplaçaient le ministère des Affaires féminines par celui de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, en septembre.
En dépit de la promesse d’un régime plus souple qu’il y a vingt ans, force est de constater que rien n’a fondamentalement changé. Si, la tenue vestimentaire ! Aux checkpoints, c’est en habit d’infirmier qu’ils vérifient l’ajustement des voiles, un an après le retour des étudiants formés dans les madrasas pakistanaises. Si les femmes ne couvrent pas bien leur corps, c’est le mari ou le père qui a un avertissement. Et si l’incident se répète, c’est la punition collective.
Fouettées sur les seins et entre les jambes
Les fautifs sont arrêtés et fouettés. “Pour les activistes, c’est pire, témoigne Mortaza Behboudi, un journaliste franco-afghan indépendant. Les femmes sont fouettées sur les seins et entre les jambes pour qu’elles ne montrent pas les cicatrices aux autres quand elles sont libérées.” Celles qui se font plus discrètes ont le droit de sortir, mais la ségrégation hommes- femmes est de mise dans les lieux publics. Les parcs sont réservés aux femmes trois jours par semaine et aux hommes le reste du temps. Les Afghans viennent y chercher un peu de quiétude dans un pays devenu une prison à ciel ouvert.
La détresse économique de l’Afghanistan a commencé bien avant la prise de pouvoir par les talibans, mais celle-ci a poussé ce pays de 38 millions d’habitants au bord du précipice, après la fuite des cerveaux vers l’Europe ou les États-Unis. Les États-Unis qui, il y a un an, ont gelé 7 milliards de dollars d’actif de la Banque centrale. Dans la foulée, le secteur bancaire s’est effondré et l’aide étrangère, qui représentait 45 % du PIB du pays, s’est arrêtée soudainement.
Alors les activistes (le plus souvent, ce sont des femmes) ont investi de nouveaux terrains d’expression pour faire entendre leur voix : les réseaux sociaux. #BanTaliban (“interdisez les talibans”) est le hashtag le plus en vogue en ce moment sur Twitter et Facebook. Une contestation larvée qui gagne du terrain, et pas que dans les villes où vingt ans de libéralisation sous contrôle américain ont donné des ailes aux jeunes générations.
Si la colère monte aussi dans les régions les plus reculées du pays, c’est parce que 23 millions d’Afghans sont aujourd’hui menacés par la famine. “ Les talibans ont créé du travail pour leurs combattants, pas pour les Afghans, témoigne un activiste. Le pays est devenu un bidonville énorme géré par les talibans qui gardent l’essentiel de l’aide humanitaire pour eux. “