
Le “Koh-Lanta des cités” organisé fin juillet dans la prison de Fresnes (Paris) a provoqué une vive polémique parmi la classe politique. Mais ce genre d’événements ne déroge pourtant pas au règlement pénitentiaire français. On vous explique.
Certains, à l’image du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, y ont vu “des images choquantes”. D’autres, une énième “polémique politicienne”. Le “Koh-Lanta des cités”, organisé fin juillet dans la prison de Fresnes, n’en finit plus de faire parler de lui, alors que le ministre de la Justice a annoncé samedi 20 août sur Twitter avoir “ordonné une enquête” administrative.
Après les images choquantes de la prison de Fresnes, j’ai immédiatement ordonné une enquête pour que toute la lumière soit faite. La lutte contre la récidive passe par la réinsertion mais certainement pas par le karting !
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) August 20, 2022
Mais ce genre d’événement, pas si rare que cela, déroge-t-il au droit pénitentiaire français ? “Non”, répondent en chœur plusieurs juristes interrogés par La Dépêche, dont Pierre Dunac, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Toulouse. “Il y a, tous les jours, tout un tas d’activités organisées dans les maisons d’arrêt. Bien entendu, elles le sont moyennant une autorisation. Mais nous avons affaire ici à une polémique purement politicienne”, analyse-t-il.
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Il faut dire qu’en avril dernier, un concert était justement organisé dans la prison de Fresnes, au cours duquel une dizaine de détenus chantaient, accompagnés d’un orchestre philharmonique. Le 9 juillet 2022, une pièce de théâtre se tenait dans la prison du Val-de-Marne. Début juin, un tournoi de football…
Un grand merci à Stomy Bugsy, David Declos et Cyril Guelle pour leur représentation ce jour au centre pénitentiaire de Fresnes, “Un jour j’irai à Detroit “. Pièce retraçant entre autre, l’incarcération d’un tirailleur sénégalais incarcéré à Fresnes fin 1944. Bravo aux acteurs pic.twitter.com/N9hkYumhqJ
— Jimmy DELLISTE (@DellisteJ) July 26, 2022
“Cliché de café du commerce”
“Pour organiser ce type de choses, on contacte la direction interrégionale, qui en réfère à la direction des affaires pénitentiaires sur le plan national, qui dépend elle-même du ministère de la Justice”, détaille Pierre Dunac. Dans le cas du “Kohlantess” organisé à Fresnes, toutes les procédures semblent avoir été respectées, le cabinet du ministre de la Justice ayant approuvé l’événement, selon les informations du Figaro.
Toujours est-il que la polémique laisse un goût amer aux défenseurs de la réinsertion. “La plupart des gens n’ont aucune idée de ce qu’est réellement la détention. Certains considèrent qu’elle n’est jamais assez dure. C’est un cliché de café du commerce, qui voudrait qu’on soit mieux lotis en prison que dehors”, poursuit Pierre Dunac. “Évidemment, ce genre de raisonnement ne tient pas debout. Mais il flatte en revanche les bas instincts.”
“Créer un lien social positif”
Au contraire, “les manifestations comme celles-ci sont plutôt de nature à apaiser le climat au sein des maisons d’arrêt”, estime Pierre Dunac. Un avis que partage Me Nabet-Martin, avocat au barreau de Toulouse. “C’est une non-affaire. Le but de la prison n’est pas uniquement de punir mais aussi de réinsérer. Et ce genre d’activités permet justement de créer un lien social positif entre les détenus et les personnels de l’Etat”.
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Pour rappel, cet évènement, baptisé “Kohlantess”, avait eu lieu le 27 juillet au sein de l’établissement du Val-de-Marne, mais une vidéo a été diffusée vendredi, notamment sur Youtube, suscitant aussitôt une vive polémique.
Trois équipes – détenus, surveillants et habitants de Fresnes – s’affrontaient lors d’épreuves variées : questionnaire, karting, mime ou tir à la corde au-dessus d’une piscine.