
Il est de la responsabilité des banques centrales, de façon « inconditionnelle », d’assurer la stabilité des prix. Jerome Powell est revenu aux fondamentaux, ce vendredi, à Jackson Hole. Lors du rendez-vous annuel des banquiers centraux dans le Wyoming , organisé par la Fed du Kansas, le président de la Réserve fédérale américaine a rappelé la nécessité de ramener l’inflation à 2 %.
Les éléments de langage de Jerome Powell ont été scrutés de près, à l’approche de la réunion de politique monétaire de la Fed de septembre. Avec une inflation toujours très élevée aux Etats-Unis (8,5 %), les marchés tablaient jusqu’à présent sur un relèvement des taux directeurs compris entre 0,5 et 0,75 point.
Douloureux pour les ménages et les entreprises
Cette décision dépendra des données économiques à venir, a rappelé Jerome Powell, tout en signalant que « restaurer la stabilité des prix [allait] probablement nécessiter de maintenir une politique restrictive pendant quelque temps », et que cela allait « être douloureux pour les ménages et les entreprises ».
Il a aussi pointé le danger d’« un assouplissement prématuré » de la politique monétaire. Quelques signes de léger ralentissement commencent en effet à se faire jour pour l’économie américaine. La consommation des ménages a quasiment stagné en juillet, à 0,1 % après 1 % en juin, a annoncé le département du Commerce vendredi. Les revenus des ménages n’ont également augmenté que de 0,2 %, contre 0,7 % en juin.
« Nous prenons des mesures fortes et rapides pour modérer la demande afin qu’elle s’aligne avec l’offre et pour contenir l’inflation. Nous continuerons jusqu’à ce que nous soyons sûrs d’avoir fait notre travail », a aussi professé le président de la Fed.
L’erreur stratégique de 2021
Cette posture sévère était attendue, après l’erreur stratégique de 2021. L’année dernière, le président de la Fed avait minimisé les risques liés à l’inflation . Il pensait qu’elle se résorberait en même temps que le désordre des circuits de distribution lié à la crise du Covid. La hausse des prix atteignait alors le rythme de 5 %. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. L’inflation a grimpé jusqu’à 9,1 % en juin, avant de redescendre à 8,5 %.
En réaction, depuis le mois de mars, la Fed a relevé quatre fois ses taux, pour un total de 2,25 points, dont deux hausses de trois-quarts de point à un mois d’intervalle, en juin et en juillet, ce qui n’avait pas eu lieu depuis 1994. Le niveau des taux actuels est considéré comme neutre par la Fed – ni stimulus, ni contrainte pour l’économie-, mais il ne le sera plus en cas de resserrement monétaire en septembre.
Briser les anticipations inflationnistes
Jerome Powell a mis en garde contre le risque de laisser l’inflation s’installer. Après le choc pétrolier de 1979, « plus l’inflation croissait, plus les gens attendaient qu’elle demeure élevée, transformant cette croyance en décisions sur les salaires et les prix ».
Il a cité Paul Volcker, le faucon qui avait porté les taux directeurs de la Fed à 20 % en 1980 . : « L’inflation se nourrit en partie d’elle-même, donc une partie de notre travail pour retourner à une économie plus stable et plus productive doit consister à briser l’étau des anticipations inflationnistes ».
Surtout, il ne faut ni attendre ni hésiter pour mener ce combat, a estimé le banquier central, prenant pour exemple « la désinflation réussie du début des années 80 », qui avait succédé à 15 ans de demi-mesures. Plus on attend, plus il sera long et douloureux de désenkyster l’inflation.
Les marchés ont fortement réagi à la ligne dure adoptée par le patron de la Fed. Le dollar a baissé de plus de 1 % repassant sous la parité avec un euro qui a bénéficié de rumeurs sur une hausse de 75 points de base des taux directeurs de la BCE en septembre. L’indice S&P 500 a perdu près de 2 %, effaçant ses gains de début de séance.
Une hausse de 75 pb pour la BCE ?
La Banque centrale européenne pourrait relever ses taux directeurs de 75 points de base (au lieu des 50 attendus par les marchés) le 8 septembre prochain. C’est en tout cas le souhait de certains membres du Conseil des gouverneurs, selon des confidences recueillies par Reuters. « Les perspectives sont bien pires que ce que nous avions prévu en juin, donc je suis d’accord pour dire (qu’une hausse de taux de) 75 pb devrait au moins être discutée. », explique une source. Dans une interview il y a 10 jours, Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, avait laissé entendre qu’elle serait favorable à un relèvement important en septembre. L’information a fait grimper l’euro face au dollar, et a pénalisé la dette souveraine italienne. Son taux à 10 ans a bondi de près de 20 pb, à 3,76 %.