L’augmentation de la production de semi-conducteurs à l’épreuve des sécheresses

Coup de chaud sur la microélectronique chinoise ! Confrontée à des températures jamais mesurées en 60 ans, la région du Sichuan où sont installées de nombreuses usines de semi-conducteurs tourne au ralenti. Pour soulager le réseau électrique, la production est à l’arrêt ces derniers jours et le redémarrage des usines sur place d’Intel et Foxconn pourra être compliqué par le manque d’eau.

Comme toute conséquence du dérèglement climatique, le problème n’a rien de local. En Asie comme en Europe ou aux Etats-Unis, la question de l’eau s’est invitée dans toutes les réflexions autour du doublement attendu de la production de puces électroniques d’ici la fin de la décennie. « L’eau est un élément incontournable dans les procédés de fabrication des semi-conducteurs », note Jean-Christophe Eloy, le PDG du cabinet d’étude Yole Group.

82 millions de litres chez TSMC

Dans ce métier, le robinet s’ouvre sur une eau ultrapure pour nettoyer à chaque étape les équipements de fabrication et les puces électroniques devenus indispensables dans les smartphones, les voitures ou toutes sortes d’objets connectés. A titre d’exemple, le taïwanais TSMC écoule 82 millions de litres en un an. C’est-à-dire l’équivalent de la consommation d’eau par jour de deux millions de Français. Dans le même temps, l’ONU craint un déficit de 40 % des ressources mondiales d’eau douce d’ici 2030.

Confronté l’an dernier à une année sans mousson à Taïwan, pour la première fois en 56 ans, TSMC est passé proche de la déshydratation. Si la production a finalement été peu affectée cette fois-ci, la société a commandé une centaine de camions-citernes, en prévision des périodes sans pluie qui s’annoncent de plus en plus longues à l’avenir sur l’île de la mer de Chine.

L’entreprise dirigée par C.C Wei a par ailleurs décidé de construire sa propre usine de traitement des eaux usées. Elle devra subvenir à la moitié des besoins en eau ultra-pure du groupe. « TSMC estime qu’une sécheresse aura lieu tous les dix ans et aura un impact inférieur à 1 % sur le revenu annuel moyen », précise l’entreprise aux 54 milliards de dollars de recettes en 2021 dans un rapport sur les conséquences financières liées au climat.

Des volumes d’eau toujours en hausse

Pour des raisons économiques plutôt qu’écologiques, les professionnels du secteur s’attellent pourtant depuis plus de vingt ans à diminuer la quantité d’eau nécessaire pour fabriquer une puce. Pour éviter les rejets et d’éventuelles pollutions, la proportion de réseaux d’eau en circuit fermé augmente dans les fonderies. Toutefois, les volumes d’eau consommés au total par les fondeurs n’ont jamais baissé puisque le nombre de puces sorties des usines a lui aussi explosé au fil du temps.

La problématique de l’eau figure pourtant en bonne place dans les plans de développement durables des grands noms des semi-conducteurs. L’an dernier, Intel s’est par exemple engagé à ce qu’en 2030 l’entreprise américaine consomme moins d’eau qu’elle n’en retraitera. En Europe, le franco-italien STMicroelectronics s’est fixé pour objectif de recycler au moins 50 % de l’eau qu’il utilise.

Aménagement du réseau d’eau en Isère

Mais la croissance attendue du secteur pose un défi à qui veut tenir ces promesses. Dans la vallée du Grésivaudan, près de Grenoble (Isère), les travaux d’extension des usines de STMicrolectronics et Soitec s’accompagnent d’aménagement sur le réseau public d’eau afin d’augmenter le débit disponible pour les deux industriels. Mais malgré la bonne volonté du champion européen, seulement 28 % des 4,2 millions de mètres cubes consommé étaient recyclés sur son site français de Crolles (Isère) en 2021, contre 32 % de 3,7 millions de mètres cubes l’année précédente. En revanche, produire une plaquette de puces ne nécessitait plus qu’1,7 mètre cube d’eau, contre 2 mètres cubes en 2020. La direction du groupe vient d’annoncer un investissement de 5,7 milliards d’euros afin que l’usine double sa production d’ici 2026.

Ailleurs, l’implantation en Arizona – un des Etats les plus sec des Etats-Unis – de deux nouvelles gigantesques usines d’Intel et TSMC suscite la polémique. Elles viendront puiser leur eau dans le lac Mead, le plus important réservoir du pays. A son point bas historique, il était rempli cet été… qu’à 28 % de ses capacités.