Le boom du pétrole au Texas menace la suprématie de Harvard

Fondée le 8 octobre 1636, la plus ancienne université américaine, Harvard, pourrait être détrônée par son homologue du Texas (1883). Elle est assise sur une « mine d’or », des champs pétrolier en sa possession. Ses réserves potentielles sont estimées à 1,7 milliard de barils, soit 153 milliards de dollars au cours actuel, selon l’agence Bloomberg. Chaque jour, au moins 6 millions de dollars sont reversés à l’Université du Texas et bénéficient en partie à son fonds chargé de contribuer au budget universitaire. A l’été 2021, c’était le fonds de Harvard (53,2 milliards de dollars) qui était le plus riche des Etats-Unis et du monde . Le fonds de l’université du Texas (42,9) avait alors déjà dépassé celui de Yale (42,3) pour s’établir en seconde position.

Il y a 99 ans, l’Université du Texas reçut son premier chèque de 516,63 dollars de la part d’un groupe pétrolier. Son Etat lui avait accordé un vaste territoire de 2,1 millions d’hectares. Ceux qui veulent le prospecter pour en tirer du pétrole doivent lui payer des redevances. Avec le boom pétrolier, l’argent de l’or noir est devenu une source de revenu importante pour l’université. Contrairement à certaines universités de la côte Est, celle du Texas a réaffirmé qu’il n’était pas question de renoncer aux énergies fossiles. Son « fonds souverain universitaire », chargé de contribuer au budget de l’université bénéficie de ces rentrées d’argent régulières. Elles sont investies sur les marchés. Une partie de la manne pétrolière sert aussi aux investissements de l’université du Texas qui gère 8 universités de l’Etat dont la principale est celle d’Austin.

Prise de risque

Harvard ne dispose pas de ces liquidités supplémentaires et ses investissements souffrent dans le contexte actuel. L’année dernière son fonds était très exposé au capital investissement et aux hedge funds pour les deux tiers de ses capitaux, et 14 % sur les actions. Les classes d’actifs défensives (immobilier, obligations indexées sur l’inflation, liquidités) dans le contexte actuel ne représentaient que 17 % de ses encours. A moins que le fonds ait très bien anticipé la crise, il a dû subir une chute significative de ces capitaux cette année. Pour son exercice de 2021 (juin 2020-juin 2021), il avait connu l’une de ses meilleures années avec une performance de 34 %. Il avait toutefois averti dans son rapport annuel qu’il lui serait extrêmement difficile de réitérer cet exploit. L’année dernière le fonds Harvard avait contribué à hauteur de 39 % (2 milliards de dollars) au budget de l’Université , deux fois plus que les étudiants (17 %).

Spectre de 2008

Les grandes universités de la côte Est suivent le modèle de Yale, qui a lancé un fonds dès 1985. Celui-ci place la majorité de ses capitaux dans des actifs alternatifs aux actions et obligations comme l’immobilier, le capital investissement, les hedge funds … Cette prise de risque élevée (illiquidité des investissements) génère des frais importants – commissions des gérants choisis, coût de la sélection et du suivi des fonds – et une grande complexité. Certaines universités investissent dans les fonds de leurs anciens étudiants . Ces 20 dernières années, c’est l’Université de Pennsylvanie qui a connu la plus forte croissance des capitaux de son fonds (365 %) devant Yale à égalité avec Brown (209 %), selon le classement de « Edsmart ». Harvard est en 7e position et a plus que doublé ses capitaux en 20 ans. Son fonds avait plongé de 27,3 % à cause de la grande crise financière de 2008.

Fonds souverains américains

Les Etats-Unis ne disposent pas de fonds souverain à l’échelon fédéral mais une vingtaine d’Etats (Alaska, Texas, Wyoming, Alabama…) ont lancé leurs fonds, alimentés par les ressources naturelles (pétrole, gaz…). Ces fonds pétroliers étatiques sont le plus souvent nés dans les années 1970 – Nouveau-Mexique, Wyoming, Alaska, Montana -, au moment des chocs pétroliers et de la prise de conscience de la nécessité de se libérer de la dépendance énergétique. Leur taille est très variée. Ils ont une politique d’investissement plutôt prudente (obligations d’Etat), conservatrice car très encadrée par la législation. La manne des fonds américains est hors de portée de l’Etat fédéral.