Le plus grand fonds souverain au monde, celui de la Norvège, avait préparé les esprits à de mauvais résultats. Nicolai Tangen, le dirigeant du fonds souverain norvégien , avait averti que le fonds d’investissement étatique pourrait perdre en plusieurs années jusqu’à 500 milliards d’euros dans un environnement dégradé. La stagnation économique couplée à l’inflation est le pire environnement pour lui. Et de fait, en seulement six mois, 170 milliards d’euros se sont déjà volatilisés. C’est sa perte la plus importante depuis la crise du Covid et elle dépasse l’ensemble des gains réalisés en 2021 ( 157 milliards d’euros ).
Maigre satisfaction, le rendement du fonds a moins baissé que son indice de référence, ce qui lui a fait économiser autour de 16 milliards d’euros. Les gérants du fonds ont prouvé que contrairement aux critiques, ils n’étaient pas de simples fonctionnaires de la gestion d’actifs, sans valeur ajoutée. Leur marge de manoeuvre et leur flexibilité restent néanmoins limitées et encadrées.
A la différence du hedge fund (AKO capital) qu’avait fondé dans la première partie de sa carrière l’actuel directeur général du fonds norvégien, Nicolai Tangen , la vente à découvert n’est pas autorisée. Elle permet de limiter les pertes dans les phases de chute des marchés. La remontée des taux et la correction des bourses mondiales pénalisent fortement le fonds qui n’est investi pour l’essentiel que sur deux classes d’actifs, actions et obligations. L’immobilier non coté, qui offre une protection contre l’inflation, lui a rapporté 7,1 % sur les 6 premiers mois de l’année mais il ne représente que 3 % de ses capitaux.
Treasuries contre OAT
Les actions ( 68,5 % de ses actifs ) ont plongé de 17 %. Le secteur qui a subi la plus forte baisse est celui de la technologie (-28 %). Le fonds a été pénalisé par ses investissements massifs dans Meta, Amazon, Apple, Microsoft, Alphabet, Tesla et Netflix . En revanche, les valeurs du secteur pétrole-énergie (13 %) lui ont permis de gagner de l’argent, notamment au travers des investissements dans Shell et Exxon Mobil.
Mais si la hausse des matières premières a dopé ce secteur, elle a aussi alimenté l’inflation et le fort rebond des taux. Sans surprise, le portefeuille obligataire (28,3 % des actifs) du fonds souverain norvégien a cédé 9,3 %. Dans sa réallocation de capitaux, l’investisseur a privilégié la dette d’Etat américaine (treasuries) et canadienne au détriment notamment des dettes françaises, italiennes et anglaises.
Rebond estival
Grâce au rebond cet été des marchés boursiers, qui concentrent l’essentiel de ses placements, les actifs du fonds sont de nouveau proches de l’équilibre à la mi-août à 1.250 milliards d’euros, soit trois fois le produit intérieur brut de la Norvège de 2021. Cet argent investi sur les marchés financiers internationaux l’est au bénéfice des générations futures du pays, quand la manne pétrolière se sera tarie dans quelques décennies.
Cette année, grâce à l’envolée des cours du pétrole, le fonds a reçu 36 milliards d’euros de l’Etat norvégien. Ces liquidités supplémentaires vont lui permettre d’investir progressivement quand les actions chutent, ce qui permettra normalement de profiter davantage des rebonds des marchés boursiers.