Le paiement de proximité en crypto peine à se démocratiser

Le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Au centre commercial de Beaugrenelle, dans le 15e arrondissement de Paris, une expérience pionnière a eu lieu du 8 juin au 8 juillet dernier. Son but : vérifier si oui ou non les consommateurs sont prêts à régler leurs achats en « cryptomonnaies ». Le sujet est clé, car le paiement au point de vente est l’un des Graal que poursuit l’écosystème « crypto », afin de parvenir à sa banalisation dans le paysage financier, malgré la méfiance dont font preuve les régulateurs et les banques.

Pendant cette période, les clients du centre ont pu régler leurs achats dans l’ensemble des enseignes en cryptomonnaie, une première en France, appelée à se poursuivre à la rentrée. « Nous allons reprendre l’expérimentation à partir de septembre en vue de la pérenniser », confirme un porte-parole de Beaugrenelle aux « Echos ». « C’était un véritable succès commercial à tous les points de vue », se félicite Damien Patureaux, co-fondateur et actuel directeur de Lyzi, la start-up avec qui le centre Beaugrenelle s’est associé pour mener ce projet.

Sur le terrain pourtant, les retours d’expérience semblent plus mitigés. La vingtaine de commerçants interrogés par « Les Echos » affirment ne pas avoir reçu de paiement de ce type sur la période, et rares sont ceux à avoir véritablement entendu parler de cette expérience. « Cela n’a pas eu d’impact particulier », constate Sylvain, vendeur dans un magasin de prêt-à-porter.

Un tel écart s’explique peut-être par la technique de paiement employée par Lyzi : plutôt qu’une transaction directement réalisée en « cryptos », la start-up permettait aux détenteurs de cryptomonnaies d’acheter des cartes-cadeaux du centre Beaugrenelle en monnaie virtuelle. Ces cartes cadeaux étaient ensuite valables dans toutes les enseignes. « Au niveau transactionnel, la carte-cadeau était la solution la plus facile à déployer pour toucher la totalité des 150 commerçants du centre », explique Damien Patureaux.

Carte de paiement crypto

Plus largement, l’expérience illustre la difficulté du secteur à entrer dans le quotidien des utilisateurs, comme le suggère pourtant le terme de « cryptomonnaie ». A l’heure actuelle, il s’agit principalement d’actifs digitaux utilisés comme des produits d’investissement et les applications concrètes se font encore très rares en France. « La vérité, c’est que les gens qui sont dans la crypto ne veulent pas les dépenser, car ils y croient, assure un acteur du secteur. Le bitcoin est devenu une sorte de réserve de valeur. Personne ne paye avec ses lingots d’or. »

Pourtant, la plupart des plateformes d’échange de cryptomonnaies, comme Coinbase ou Bitpanda, ont lancé leur carte de paiement. Mais les utilisations de ces cartes sont rares. Le français Ledger, spécialiste de la conservation d’actifs numériques, avait également annoncé, fin décembre dernier, le lancement de sa propre carte pour le premier trimestre 2022. Une carte qui n’est toujours pas commercialisée.

Difficultés pour les initiés

Certains initiés parviennent tout de même à utiliser leurs cryptoactifs pour réaliser certaines transactions. Avec, là aussi, des difficultés opérationnelles. « Je viens de payer une partie de ma maison avec mes cryptos, confie Benjamin, qui travaille pour une entreprise du secteur. Mais cela m’a pris trois semaines pour transférer les fonds des différentes plateformes d’échange sur lesquelles j’avais acheté des cryptos jusqu’à ma propre banque. Il a d’ailleurs fallu que je prévienne celle-ci pour qu’elle ne bloque pas les fonds. »

A terme, il entend se passer de banque. Il a d’ailleurs commencé à payer plus régulièrement avec ses cryptos, en utilisant une partie des bénéfices réalisés avant le krach du bitcoin, en juin dernier. Il utilise pour cela une carte de la société Monolith. Cette dernière se charge, via une application, de convertir ses cryptos en euros, alors chargés sur sa carte Monolith, qu’il peut ensuite utiliser comme une carte classique.