
La morosité et le catastrophisme ont été emportés cet été par un vent d’optimisme sur les marchés financiers. Les professionnels de l’investissement, qui broyaient du noir comme jamais fin juin, ont retrouvé le sourire avec les beaux jours et les bons résultats d’entreprises au deuxième trimestre. Depuis début juillet, le Nasdaq à forte coloration technologique a rebondi de 17 %, le S&P 500 a repris 13 % et le CAC 40 plus de 10 %.
Sur plus de 140 gérants européens interrogés par Bank of America, une nette majorité (55 %) s’attend désormais à ce que ce rebond estival se poursuive d’ici à la fin de l’année. Un optimisme béat qui laisse pantois de nombreux économistes. « Rien ne justifie ce rebond du point de vue des fondamentaux économiques », estime Frederik Ducrozet de Pictet Wealth Management.
Scénario « boucle d’or »
L’environnement macroéconomique s’est au contraire dégradé au cours de cet été, ajoute-t-il, avant d’évoquer l’envolée des prix de l’électricité, la détérioration des indicateurs avancés comme les PMI ou encore les difficultés économiques de la Chine. Les professionnels de l’investissement n’ignorent pas ces dangers, ils sont d’ailleurs 75 % à prédire une récession sur le Vieux Continent dans l’année qui vient.
Mais ils sont divisés sur l’ampleur du choc à venir, entre ceux qui redoutent un brusque retournement et ceux qui comptent sur un ralentissement modéré de l’activité. Suffisant pour dompter les pressions inflationnistes et redonner des marges de manoeuvre aux banques centrales, mais pas assez sévère pour entraîner un effondrement des bénéfices générés par les entreprises.
Il y a un décalage entre les attentes des marchés vis-à-vis des banques centrales et ce qu’elles ont déjà annoncé
Emmanuel Cau Stratège de marché chez Barclays
« C’est le retour en force de l’atterrissage en douceur de l’économie et du scénario ‘boucle d’or’ », observe Emmanuel Cau de Barclays. Mais « il y a un décalage entre les attentes des marchés vis-à-vis des banques centrales et ce qu’elles ont déjà annoncé », cautionne-t-il. « Les banques centrales ne pourront pas forcément aider en cas de crise économique, elles vont probablement devoir conserver des politiques restrictives », met-il en garde. Le discours de Jerome Powell pourrait ainsi calmer les ardeurs des investisseurs lors du symposium de Jackson Hole qui se tiendra du 25 au 27 août.
Mouvement de balancier
Le regain d’appétit pour le risque apparaît d’autant plus fragile que la liquidité se tarit durant les mois d’été, avec des volumes plus faibles en moyenne de 25 % à 30 % par rapport à la normale. « Il n’y a pas eu de flux importants vers les actions, et ce sont les titres les plus délaissés en début d’année qui ont mené le rebond, ce qui témoigne d’un mouvement de couverture des positions vendeuses (short-covering). Tous ces éléments pointent vers un rebond avant tout technique » après un premier semestre désastreux sur les marchés, estime Emmanuel Cau.
Un mouvement de balancier coutumier des marchés financiers, passés en quelques semaines d’un pessimisme record à un excès d’optimisme. Pas de quoi espérer pour autant un retour à court terme vers les records historiques établis en début d’année.
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