
Le temps presse. Dans une lettre adressée à Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, Colette Neuville l’a exhorté à déposer un recours contentieux contre l’Etat avant que ne soit lancé le processus de nationalisation de l’énergéticien. Une demande adressée au nom d’un certain nombre d’actionnaires du groupe, qu’elle représente.
Dans une lettre envoyée au PDG, la présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam) rappelle que les dirigeants et le conseil d’administration du groupe « évaluent à 8,34 milliards d’euros le préjudice subi du fait de la modification du volume [de l’électricité nucléaire vendue à prix réduit aux opérateurs alternatifs] ». Ce chiffre figure dans un communiqué de presse publié le 9 août dernier par EDF.
Procédure amiable
L’énergéticien y annonce avoir déposé « un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat et une demande indemnitaire pour un montant estimé à date de 8,34 milliards d’euros , auprès de l’Etat ». Ce communiqué est « sibyllin, voire trompeur », affirme Colette Neuville. « Une demande indemnitaire est une démarche gracieuse effectuée préalablement à un recours contentieux, mais qui ne peut en aucun cas être considérée comme une « procédure pendante devant les tribunaux »», souligne-t-elle.
Or, juridiquement, la différence est de taille. Elle joue en effet sur la décision que sera amenée à prendre l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur la conformité de la future offre publique d’achat suivi d’un éventuel retrait obligatoire. L’AMF doit notamment se prononcer sur le prix proposé aux actionnaires dans le cadre de l’offre. De façon constante, elle vérifie si les procédures pendantes devant les tribunaux peuvent avoir un impact sur la valorisation de la société. Et, le cas échéant, si cet impact a bien été pris en compte dans le prix proposé aux actionnaires.
Examen par l’AMF
Pour l’Adam, EDF a évalué un préjudice, et a annoncé au marché qu’il entendait demander réparation. Pour l’association, cette demande est sérieuse et parfaitement fondée, et aurait de très sérieuses chances d’aboutir en justice. « Mais faute d’avoir introduit un recours contentieux, donc en l’absence de procédure judiciaire pendante, cette demande d’indemnisation ne sera pas prise en compte lors de l’examen de la conformité du projet d’offre publique de l’Etat, s’agissant en particulier de la valorisation de la société, donc du prix de l’offre suivie d’un retrait obligatoire », avertit Colette Neuville.
L’Adam demande donc à la direction d’EDF d’engager une action en justice avant même la réponse de l’Etat à son recours gracieux, afin de préserver l’intérêt de la société et de ses actionnaires. Et ce avant le dépôt de l’offre, qui ne devrait pas tarder, la loi de Finance rectificative qui prévoit le financement de l’opération venant d’être promulguée. Dans le cas contraire, elle menace de mettre en cause la responsabilité des dirigeants et des administrateurs de la société.
Contacté par les Echos, EDF n’a pas souhaité faire de commentaires dans l’immédiat.