
Rare sont les députés qui coupent à ce point pendant leurs vacances parlementaires. Eric Coquerel fait partie de ceux-là. Samedi 6 août, le député La France insoumise de Seine-Saint-Denis a rejoint son voilier amarré non loin de Perpignan. Pour trois semaines, il met les voiles. Cap vers les Baléares. En mer, il est loin de ses dossiers, des polémiques, des débats houleux, des notifications sur son téléphone.
La mer, c’est son univers depuis plus de trente ans, il connaît toutes les grandes courses du monde. « La mer fait partie de mon horizon. Aller dessus est une évidence. » Il le rappelle, elle lui a offert son premier métier dans la communication. Après cette intense première séquence parlementaire, désormais à la barre de la puissante commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel (63 ans) ne cache pas qu’il avait bien besoin de cette évasion.
Agressivité. L’univers marin et politique, est-ce si éloigné ? Dans les deux cas, il peut y avoir des vagues… « La mer est un milieu qui n’avantage pas les coups tordus ni ceux qui la pratiquent de manière déloyale », compare-t-il avec habileté. Il prend le temps de réfléchir mais insiste : « Oui, il y a moins de coups tordus qu’en politique », répète-t-il à trois reprises.
Songe-t-il aux accusations d’antisémitisme à l’encontre de La France insoumise ? Ou à l’enquête ouverte pour agression et harcèlement sexuel après la plainte de Sophie Tissier, militante de gauche devenue figure des Gilets jaunes ? Aucun commentaire sur le sujet. Eric Coquerel ne fait qu’un constat… politique, lié à son nouveau statut : « Je n’ai jamais été traité avec autant d’agressivité. Ce n’est pas le mandat que j’imaginais, je prends encore mes marques. » On le croit nostalgique de la mer. Il le promet, il s’y consacrera de nouveau un jour, par l’écriture ou le documentaire.
L’air de la mer revigore. A la reprise, l’élu LFI veut utiliser pleinement les pouvoirs de sa commission. Sans changer le style qu’il y imprègne et qui reflète une partie de sa personnalité. Un calme de façade (comme la Méditerranée), un radical dans le fond. Exemple : sur les superprofits, il préfère le mot « imposer » à « taxer », trop agressif et péjoratif selon lui. C’est la méthode Coquerel : lisser la radicalité pour faire passer ses idées. « Je suis enclin à respecter mes adversaires… s’ils sont respectables », glisse-t-il. Histoire de rappeler que discuter avec le Rassemblement national, c’est niet ! Pour le reste, « s’il y a du grain à moudre, je prends. J’ai la volonté de faire avancer les choses », affirme-t-il.
Miroir d’opposition. Le chahut de ses collègues insoumis à l’Assemblée, ce n’est pas son style, mais il le tolère et le justifie. « Il est capable de dégoupiller », prévient un élu de la majorité. Jamais dans sa commission, jure Eric Coquerel. Il s’entendait bien avec son prédécesseur, Eric Woerth ; il veut poursuivre dans sa lignée. Ce n’est pas le seul homme de droite converti au macroniste avec lequel il partage une sympathie. Avec Bruno Le Maire, ministre de l’Economie (dont il envie le poste), ils échangent souvent, avec respect et même en se tutoyant. Pendant les heures de débats sur le projet de loi de finance rectificative, les deux hommes partagent le même banc en bas de l’Hémicycle. « Au moins, Le Maire a un discours de fond, il assume sa politique de l’offre. Je trouve chez lui un véritable miroir d’opposition », explique l’insoumis.
A son retour sur la terre ferme, il délaissera volontiers le calme de son excursion pour mener une rentrée mouvementée. « Le pouvoir d’achat avec cette loi anti-sociale et la réforme des retraites à venir sont deux éléments qui me font penser que le mouvement sera massif et victorieux, assure-t-il. Un mouvement se nourrit de son histoire précédente, et celui-là n’a pas été battu. Sur les retraites, il y aura une unité sociale contre le gouvernement. Cela peut-être le 1995 de Macron. »
En parallèle, Coquerel ne lâchera pas son combat contre l’évasion fiscale. Il souhaite aussi avoir une réflexion sur l’article 40 de la Constitution, qui empêche les parlementaires d’accroître les dépenses publiques par amendement, sauf à compenser par une baisse sur un autre poste. Il envisage de mener une audition des membres du Conseil constitutionnel. « L’article ne convient plus à personne. Je veux m’immiscer dans le regard de la Constitution », ambitionne Eric Coquerel. Traduction : utiliser sa position pour mettre une dose de VIe République, grande lubie insoumise.
« La manière dont cela s’est passé jusqu’à présent me motive encore plus », lâche-t-il. Pour mener ce travail, il ressortira la cravate, même s’il ne la porte pas bien selon ses dires : « Je ne suis pas spécialiste du nœud de cravate. Je maîtrise davantage le nœud marin. Et croyez-moi, c’est bien plus utile… »