
Dans l’équation, c’est sans doute aujourd’hui la donnée la plus déterminante. Bruno Retailleau sera-t-il candidat à la présidence des Républicains, remise en jeu les 4 et 11 décembre ? Le patron des sénateurs LR se pose très sérieusement la question.
Initialement, Bruno Retailleau l’avait plutôt évacuée. Il estimait qu’il revenait à Laurent Wauquiez de préempter la succession de Christian Jacob, démissionnaire de ses fonctions le 1er juillet. Il jugeait que le patron d’Auvergne-Rhône-Alpes ne pouvait se dérober à sa responsabilité à partir du moment où il ambitionnait de défendre les couleurs de son camp lors de la présidentielle de 2027. A plusieurs reprises, il le lui a dit.
Au final, Laurent Wauquiez a choisi de ne pas redevenir le président de LR, un poste qu’il a déjà occupé de 2017 à 2019. Annoncé le 17 juillet, son forfait a redistribué le jeu et ouvert la porte à une multiplicité des candidatures. A peine quelques jours plus tard, Eric Ciotti annonçait officiellement la sienne. Secrétaire général de LR, député du Lot, Aurélien Pradié se positionnait sur la ligne de départ…
« Il y a une vraie interrogation au sein de LR sur la capacité d’Eric Ciotti à pouvoir rassembler »
Pour Bruno Retailleau, cela a eu aussi un effet domino. Le choix de Laurent Wauquiez a rouvert sa réflexion. Et s’il était candidat à la présidence des Républicains ? « La pression des élus, mais pas uniquement des sénateurs, l’a fait évoluer et réenvisager cette hypothèse, rapporte un de ses proches. Il y a une vraie interrogation au sein de LR sur la capacité d’Eric Ciotti à pouvoir rassembler et mettre en mouvement tout le monde. »
Sur le papier, le député niçois est en effet le grand favori. Sa ligne très droitière parle au noyau dur des adhérents du parti, qui seront appelés aux urnes. Lors du congrès organisé par Les Républicains pour se choisir leur champion élyséen en décembre dernier, où ceux-ci constituaient déjà le corps électoral, il était arrivé en tête au premier tour avec 25,6% (avant d’échouer au second avec 39% face à Valérie Pécresse). La fédération LR des Alpes-Maritimes, qu’il préside, pourrait être celle qui comptera le plus de cartes lors de la compétition ; elle est dans son jeu un atout majeur.
« Thébaïde ». Début août, Bruno Retailleau est donc parti en vacances l’esprit encombré d’une forte hésitation. Il s’est «reclus dans sa thébaïde ogienne» – la formule est de cet habitué de l’île d’Yeu. De là, il passe des coups de fil. Il pèse le pour. Président du groupe LR au Sénat depuis 2014, n’est-il pas parvenu à y faire vivre ensemble, depuis toutes ces années, de nombreuses sensibilités ? Passionné par les idées (il a notamment beaucoup réfléchi sur l’écologie), multipliant les rencontres avec les intellectuels, n’est-il pas particulièrement outillé pour redonner un corpus à un parti qui se cherche une ligne ? Il soupèse le contre. S’il l’emporte, il devra quitter la présidence de son groupe, un poste clé alors que le Sénat a acquis avec la nouvelle donne politique et l’absence de majorité absolue pour l’exécutif macroniste à l’Assemblée nationale un poids considérable. Le combat promet aussi d’être rude. « S’il y va, ce sera dans un objectif anti-Ciotti », dit un de ceux qui l’ont eu récemment au téléphone.
Bruno Retailleau, 61 ans, se sent porteur d’une certaine responsabilité
Jusqu’à présent, Bruno Retailleau a toujours reculé devant les combats internes aux Républicains. En 2019, il avait choisi de ne pas se lancer dans la course à la succession de Laurent Wauquiez à la tête du parti, après le fiasco des européennes et la démission de celui-ci. L’an passé, il a renoncé à participer au congrès organisé pour désigner le champion de LR à la présidentielle, alors qu’il s’était, les mois précédents, beaucoup préparé en vue de cette compétition. Quand il était le patron du parti, Christian Jacob, qui n’avait pas de relations simples avec lui, faisait toujours remarquer que le sénateur de Vendée n’osait jamais se compter lors des bureaux politiques…
Cet automne ira-t-il enfin au combat ? Cette fois, sa réflexion semble plus grave et profonde. Bruno Retailleau, 61 ans, se sent porteur d’une certaine responsabilité. Et puis s’il échoue, est-ce si dramatique ?
Alliés. Si sa réponse est positive, le Vendéen dispose déjà d’une structure, Force Républicaine, l’ex-mouvement de François Fillon, dont il était très proche, et d’une équipe. « La campagne interne est comme une campagne sénatoriale », fait remarquer un de ses soutiens.
Comme Eric Ciotti, c’est un implacable contempteur du macronisme et leur ligne politique est peu différente. Il peut espérer quelques alliés. Il a de très bonnes relations avec François-Xavier Bellamy, qui s’interroge lui aussi sur une potentielle candidature. Mais si le sénateur de Vendée y va, le député européen n’aura aucun espace. Il est proche de David Lisnard, le président de l’association des maires de France, bien décidé à compter ces prochaines années.
Récemment, Julien Aubert, ex-député du Vaucluse, président d’Oser la France, qui l’aime bien, a été approché par l’entourage du sénateur pour savoir s’il le soutiendrait au cas où… « Bruno Retailleau est capable de ramener les pécressistes vers lui au second tour », ajoute un responsable du parti. Le président du groupe LR au Sénat a été un pilier de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse, qu’il a accompagnée jusqu’au bout. Les relations de la candidate avec Eric Ciotti furent en revanche plus que compliquées…
Bruno Retailleau a prévu de faire sa rentrée lors de l’université d’été des Jeunes LR, qui sera organisé les 3 et 4 septembre à Angers. D’ici là, il aura tranché.