«Stationnement payant des deux-roues à Paris: voyage en absurdie». La chronique d’Hakim El Karoui

« Il faut que chacun prenne sa part, au nom de l’équité ». « Il faut lutter contre le réchauffement climatique ». « Il faut améliorer les finances de la mairie de Paris très mal en point ». « Il faut lutter contre tout déplacement réalisé avec un moteur. » Voici peu ou prou les quatre arguments invoqués ou implicites pour justifier le stationnement payant des deux-roues motorisés à partir du 1er septembre dans la capitale.

Le seul argument oublié par les élus parisiens, c’est le pouvoir d’achat, sujet qui a pourtant une certaine actualité… Regardons donc ce qui attend les motards et autres conducteurs de scooter à la rentrée, qui occupent très faiblement la voirie, qui acceptent l’inconfort (conduire un scooter sous la pluie !) et l’insécurité (un accident peut arriver à tout moment) pour aller plus vite qu’en voiture et en transport en commun. Le prix du stationnement pour les deux-roues a été fixé à la moitié de celui des voitures. En vertu de quel raisonnement économique ou politique ? On ne sait pas. Il en coûtera entre 2 et 3 euros par heure, mais on pourra s’abonner à un parc de stationnement pour 90 euros par mois… et ensuite il faudra payer 1,20 euro de l’heure. Pour le stationnement résidentiel, un tarif de 22,50 euros par an sera possible mais il faudra ensuite payer 4,5 euros par semaine.

Simulons maintenant une année de stationnement en rappelant une évidence : il n’y a pas d’autre usage qu’urbain pour la plupart des deux-roues. On ne laisse pas son scooter devant chez soi pour partir en week-end, on l’utilise pour aller travailler. Il y a 254 jours ouvrés par an, 230 jours travaillés et 24 jours de congés. En supposant que le titulaire prenne un abonnement qui lui coûtera 990 euros par an, il devra payer en plus le parking pour 9 heures par jour à un tarif négocié de 1,2 euro de l’heure, soit 10,8 euros de la journée. En comptant le stationnement résidentiel, le stationnement coûtera chaque année 3500 euros au propriétaire d’un scooter 50cm3, qu’il soit riche ou pauvre. Il y aura bien quelques exceptions pour les professionnels sédentaires (artisans, commerçants) et mobiles (enseignants, VRP, professions de santé…) : au passage, on constatera que les professions de services aux entreprises ne sont pas concernées, à part les avocats que l’on félicite pour la qualité de leur lobbying.

Etudes bancales. Qui va s’en sortir ? Ceux qui ont les moyens ! Soit parce qu’ils pourront payer ces tarifs de stationnement exorbitants, soit parce qu’ils achèteront un scooter électrique qui sera rentabilisé en moins d’un an (un scooter électrique aides compris coûte dans la plupart des cas moins de 3500 euros par an). Les autres prendront le train. Ou le métro. Ou le RER qui sera encore plus congestionné. Et ils perdront un temps très précieux. Quant à la baisse des émissions, on n’en saura rien car les rares études sur les deux-roues mélangent allègrement les gros moteurs et les petits scooters, les anciens et les neufs. Il aurait été plus intelligent de faire campagne pour imposer des normes anti-pollution aux deux-roues.

Moins de liberté, moins d’efficacité, moins de pouvoir d’achat. Paris est magique !