
Publié le 2 sept. 2022 à 12:14Mis à jour le 2 sept. 2022 à 12:20
En France comme en Europe, il n’est pas question de rémunérer les lanceurs d’alerte. Les politiques estiment que ce serait encourager une société de délation . A Wall Street, on pense différemment, la Securities and Exchange Commission (SEC) est convaincue que plus les récompenses sont élevées, moins les intervenants ont envie de frauder et plus les investisseurs sont protégés.
367 millions de dollars en une seule année
En une seule année, depuis septembre 2021, le gendarme boursier américain a rétribué les lanceurs d’alerte à hauteur de 367 millions de dollars. Cela porte à 1,3 milliard de dollars le montant des récompenses versées depuis 2012 . Cette année-là, est entré en vigueur le programme incitant les témoins ou détenteurs d’informations à divulguer des informations qui ont permis à la SEC de récupérer 5 milliards de dollars sur la même période.
A l’avenir, les sommes versées par le gendarme boursier dans ce cadre pourraient exploser. Fin août, l a SEC a mis fin à certaines restrictions qui étaient entrées en vigueur du temps de son ancien patron , Jay Clayton. Ce dernier avait été nommé sous le gouvernement de Donald Trump.
Informations connexes
Désormais, la SEC a le droit de rémunérer un lanceur d’alerte pour des informations « connexes », c’est-à-dire des informations qui permettent de dénoncer d’autres délits que la délinquance financière (par exemple de la fraude fiscale) et entraînent aussi une sanction de la part d’une autre agence fédérale (comme le fisc américain).
« Cela élargit considérablement les circonstances dans lesquelles un individu peut recevoir une récompense de la part du gendarme boursier », a déclaré, fin août, l’actuel président de la SEC, Gary Gensler, nommé par Joe Biden.
Par ailleurs, la SEC perd le pouvoir de réduire le montant de la récompense dès lors que le lanceur d’alerte a déjà perçu une rémunération de la part d’une autre agence. Au contraire, elle gagne celui de l’augmenter si elle juge que la fraude est particulièrement importante et touche différents domaines.
Les modifications apportées aux règles entreront en vigueur d’ici un mois. Elles s’appliqueront à toute demande d’indemnisation de dénonciateur en cours auprès de la SEC à cette date, ainsi qu’à toutes les demandes d’indemnisation qui seront déposées ultérieurement.
Objet de critiques
Déjà, ces nouvelles règles font l’objet de critiques. Désormais en minorité au sein de la SEC, les commissaires républicains, ont fait valoir que l’agence n’avait pas analysé correctement l’impact des changements. Hester Pierce a accusé l’agence, sous la direction de Gensler, d’avoir mis au rebut à plusieurs reprises les modifications apportées par son prédécesseur « alors que l’encre était à peine sèche sur la dernière série d’amendements ».
Mark Uyeda, également commissaire de la SEC, a, lui, déclaré qu’une telle action « risquait d’éroder la crédibilité réglementaire du gendarme boursier » et « qu’elle ne devrait être entreprise qu’après un examen du fonctionnement global du processus. « Un tel examen pourrait également évaluer le rôle joué par les avocats qui représentent les dénonciateurs sur la base d’honoraires conditionnels et la manière dont ils présentent les informations à la SEC », a-t-il déclaré. Ce dernier se référait à une nouvelle étude rédigée par Alexander Platt, professeur à l’Université du Kansas, qui indique que le programme de dénonciation est désormais dominé par une poignée de cabinets d’avocats et de spécialistes, dont certains anciens fonctionnaires de la SEC qui tirent profit du système.