
Publié le 3 sept. 2022 à 9:00
La photo, publiée sur les réseaux sociaux, est si inattendue qu’on pourrait croire à un canular. Elle montre une feuille A4 collée sur un distributeur de billets. L’affiche, estampillée Crédit Agricole Val de France, explique : en raison « d’une pénurie de monnaie à la Banque de France, nous ne serons pas en capacité d’honorer toutes vos demandes et vous invitons à limiter vos retraits dans la mesure du possible ». De quoi alimenter la machine à fantasmes de la sphère complotiste, qui croit à un asséchement organisé des liquidités pour provoquer la faillite du système financier.
Contacté, Crédit Agricole Val de France, qui opère dans la région entre Tours et Orléans, confirme l’authenticité de cette affiche, mais minimise le sujet. « C’est un problème très temporaire et très local, qui a eu lieu en juin et qui ne concerne que les pièces, explique un porte-parole de la caisse régionale du Crédit Agricole. Cela n’a touché que les commerçants et le problème a été résolu depuis. »
Mais cette accusation ne passe pas du tout auprès de la Banque de France « Il n’y a aucune pénurie de monnaies, balaye-t-elle, sollicitée par « Les Echos ». C’est une initiative intempestive du Crédit Agricole Val de France qui a apposé une affichette infondée sur certains DAB qui est à l’origine de cette rumeur. » La communication de la banque régionale viserait en réalité à masquer des ratés dans ses commandes de pièces, laisse-t-on entendre du côté de l’institution.
Suppressions de caisses
Mais selon les syndicats de la Banque de France, toute la responsabilité ne repose pas sur la banque mutualiste. Selon eux, il y aurait bien eu un problème autour de la succursale de Tours. Cette caisse de la Banque de France, qui sert à alimenter en cash les commerces et les banques des départements adjacents, fait partie de la liste des antennes locales que la banque centrale souhaite supprimer afin de rationaliser son fonctionnement. Ce plan inquiète les représentants du personnel depuis sa présentation.
« S’il y a déjà des problèmes d’approvisionnement de pièces aujourd’hui, qu’est-ce que ce sera quand la caisse sera fermée, s’interroge Benoît Chauvet, secrétaire général du Syndicat national autonome (SNA). La caisse d’Orléans a des capacités limitées de stockage de pièces, pas sûr que ce sera suffisant pour absorber tous les besoins. »
Sujet sensible
« La réorganisation en cours du réseau de la Banque de France n’entraîne aucune conséquence négative en matière de distribution des espèces et notoirement des monnaies, répond l’institution. Demain, l’organisation de la filière fiduciaire entre la Banque de France et les transporteurs de fonds permettra d’assurer la même irrigation du territoire. »
Pour la Banque de France, le sujet est sensible. Elle a engagé une vaste restructuration qui doit lui permettre de faire des économies et de s’adapter au recul de l’usage des espèces. Près de la moitié de ses 37 caisses régionales (à ne pas confondre avec les succursales, qui englobent toutes les activités de l’institution) doivent être fermées dans les mois à venir. Le gouverneur, François Villeroy de Galhau, espère bien mener ce projet sans accroc.
La Banque de France ne peut pas se permettre d’être à l’origine de problème d’approvisionnement en cash : cet été, la Banque Centrale Européenne a remis un coup de pression sur les banques afin de leur rappeler qu’elles ont le devoir d’assurer un accès aux espèces à tous les citoyens européens, quel que soit leur lieu de vie.