En Europe, les néobanques continuent de se heurter aux frontières

Publié le 1 sept. 2022 à 6:45

L’Union européenne, zone sans frontières ? Rien n’est moins sûr, surtout au niveau bancaire. Pour les nouveaux acteurs de la banque en ligne, dont l’objectif est de fournir des services similaires à tous les citoyens de la zone euro, les frontières entre pays membres restent bien visibles. Cette fragmentation inter-étatique s’illustre notamment par le phénomène de la « discrimination à l’IBAN » .

Concrètement, les clients des néobanques en ligne disposant d’un numéro d’identification bancaire étranger peuvent voir leurs virements et leurs transactions bloqués dans le pays où l’opération a lieu. « C’est un problème que l’on voit quotidiennement, qui nous remonte via les réseaux sociaux ou via nos services clients », confirme Jérémie Rosselli, directeur de N26 pour la France et le Benelux.

Plus de 2.200 signalements

Pour tenter de mesurer l’ampleur du problème – et faire pression sur les régulateurs – plusieurs banques digitales comme Wise, N26 ou Revolut ont lancé en mars 2021 une plateforme visant à recueillir les signalements des clients discriminés. A ce jour, « Accept my IBAN » (« acceptez mon IBAN ») a reçu plus de 2.200 signalements, selon les informations transmises par Wise. Près de 40 % de ces plaintes émanent du marché français.

Une situation qui a amené la DGCCRF – le gendarme de la concurrence et de la protection des consommateurs – à sévir contre cette pratique illégale : sous sa pression, une législation est introduite en octobre 2021, avec des amendes pouvant atteindre jusqu’à 375.000 euros pour les personnes morales ayant refusé un IBAN étranger. Bien qu’il soit difficile de mesurer l’effet concret de la mesure, les plaintes issues du marché français sont passées de 70 % à 40 % des signalements totaux en l’espace de 18 mois.

Harmonisation imparfaite

Cette « discrimination » à l’IBAN reste toutefois limitée, compte tenu du faible nombre de signalements. Surtout, elle ne constitue qu’un des multiples obstacles auxquels sont confrontées les banques en ligne lorsqu’elles cherchent à s’étendre en Europe. Des obstacles que l’harmonisation des règles de virement et de paiement au sein des 36 pays de la zone Sepa (Single Euro Payment Zone), entrée en vigueur en 2014, n’a pas levés.

« Même s’il y a une réglementation unique à l’échelle européenne, celle-ci s’applique différemment selon les pays », explique Jérémie Rosselli. Si cette fragmentation concerne plusieurs processus – comme la capacité à changer de banque facilement -, celle-ci est particulièrement visible dans la vérification de l’identité des clients avant l’ouverture d’un compte. « Ouvrir un compte bancaire reste beaucoup plus simple dans certains pays, comme l’Estonie par exemple, compte tenu de leur digitalisation plus avancée », résume Magali Van Bulck, chargée de communication pour la fintech Wise.

Vérifier l’identité des clients

Des pays comme la France ou l’Allemagne se montrent beaucoup plus sévères. En 2021, N26 (en Allemagne) et Carrefour Banque (en France) ont ainsi été respectivement condamnés à payer des amendes de 4,25 millions et 1,5 million d’euros par les régulateurs nationaux. Ces derniers estimaient que ces banques avaient été négligentes face au risque de blanchiment d’argent, ne vérifiant pas physiquement les identités.

Pour Wise, qui a été sanctionné pour le même motif en début de semaine par le régulateur émirati, cette injonction à la vérification physique a ses limites. « Lorsque l’on ouvre un compte chez une banque traditionnelle, on s’expose aussi à une erreur humaine, estime Magali Van Bulck. Nous mettons par ailleurs en place des outils de suivi de nos clients tout au long de leur présence chez nous ».

Pour les néobanques, ces amendes ne sont toutefois pas de nature à freiner le développement de leurs activités. « Les banques travaillent main dans la main avec les régulateurs, assure Jérémie Rosselli. Il est tout à fait normal que les régulateurs s’intéressent à notre futur, pour que l’on puisse construire des champions véritablement européens des services bancaires ».