
Publié le 2 sept. 2022 à 14:00
Malgré la détente des cours ces dernières semaines, la planète alimentaire retient son souffle car la situation demeure sous tension. Selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) les prix alimentaires ont reculé de 1,9 % en août pour s’établir à 138,0 points. Il s’agit certes de la cinquième baisse mensuelle d’affilée, mais pour les consommateurs , notamment les plus pauvres, le coût des denrées de base reste à des niveaux très élevés puisque l’indice est encore en hausse de 7,9 % sur un an.
Cette nouvelle baisse s’explique avant tout par une amélioration de l’offre et des perspectives plutôt favorables de la production agricole mondiale, entre autres pour le blé, relève la FAO. Les récoltes s’annoncent plutôt bonnes au niveau mondial avec 777 millions de tonnes, soit très légèrement moins que l’an passé. L’organisation évoque aussi « la hausse des disponibilités saisonnières, car les récoltes se sont poursuivies dans l’hémisphère Nord et l es exportations en partance des ports ukrainiens de la mer Noire ont repris après plus de cinq mois d’interruption ».
Bascule possible
« Les stocks sont colossaux sur le papier, mais on est dans une situation de grande dépendance, nuance le chef analyste Nathan Cordier chez Agritel. La clé du marché reste la mer Noire ». Selon le cabinet d’analyse, la Russie s’apprête à moissonner 95 millions de tonnes selon, un record, et en comptant les stocks, Moscou a le potentiel d’exporter 42 millions de tonnes. De quoi largement approvisionner le monde, mais tout peut « basculer de nouveau », insiste Nathan Cordier si les exportations depuis la mer Noire ne reprenaient pas à un rythme satisfaisant.
Agritel estime que l’Ukraine peut vendre à l’étranger 12 millions de tonnes de blé, contre 18 millions en moyenne dernières années. Les difficultés logistiques sont devenues l’un des facteurs majeurs dans la formation des prix, indique Michel Portier, directeur général d’Agritel : « on ne manque pas de marchandises, mais de marchandises qui bougent ». Kiev espère retrouver son rythme de croisière en automne avec environ 6 millions de tonnes par mois, mais le cabinet parisien anticipe plutôt 4 millions de tonnes, le temps de reconstruire les infrastructures endommagées pendant les combats.
Pire récolte de maïs au XXIe siècle
Le retour du commerce international en mer Noire a nettement contribué à faire baisser les prix du blé. Sur le marché à terme, ils sont passés de plus de 400 euros la tonne à 325 euros. Les exportations depuis la mer Noire sont d’autant plus essentielles que les autres grands exportateurs mondiaux n’auront pas une production capable de prendre le relais en cas de défaillance des Ukrainiens ou des Russes. Au sein de l’Union européenne et aux Etats-Unis, les récoltes « sont à peine à leur moyenne quinquennale », explique Nathan Cordier en raison des sécheresses.
Sur le front du maïs, les perspectives sont bien plus pessimistes. En France, on se dirige tout droit vers la pire récolte du XXIe siècle avec à peine 10,8 millions de tonnes. En Europe le volume récolté devrait atteindre 53,8 millions de tonnes, le plus bas niveau depuis 15 ans. Quant aux Etats-Unis, les premières remontées du terrain pointent vers des rendements bien inférieurs aux prévisions du ministère américain de l’agriculture.