
Le sparadrap du conflit d’intérêts continue de coller à Eric Dupond-Moretti. Et cette fois, ce n’est pas un syndicat animé d’éventuelles arrière-pensées qui le dit mais le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : le ministre « s’est trouvé dans une situation objective de conflit d’intérêts en ordonnant une enquête administrative à l’encontre de M. X, après l’avoir pris à partie, en qualité d’avocat de l’une des personnes inculpées par ce dernier », écrit-il dans sa décision rendue jeudi. De qui parle-t-on ? « M. X. » est le juge Edouard Levrault, magistrat instructeur à Monaco entre 2016 et 2019 puis grand pourfendeur de la justice en principauté. Avocat de l’ex-chef de la police judiciaire monégasque que le juge Levrault avait inculpé, Eric Dupond-Moretti avait à l’époque croisé le fer avec ce magistrat.
Devenu garde des Sceaux en juillet 2020, il aurait déclenché les hostilités contre lui (via une enquête administrative confiée à l’Inspection générale de la justice) pour régler ses comptes. C’est la thèse soutenue par le syndicat majoritaire (USM) qui a érigé le juge Levrault en chevalier blanc. Cette bataille rythme depuis deux ans la vie de la chancellerie. Et, à intervalles réguliers, y compris en pleine campagne électorale, vient polluer l’action du ministre sur lequel plane la menace d’un procès devant la Cour de justice de la République. Au point que, lorsque le CSM blanchit le juge Levrault, comme il l’a fait jeudi, estimant qu’il n’est pas sorti de son devoir de réserve en critiquant publiquement Monaco, cette décision atteint par ricochet Eric Dupond-Moretti.
Simples aléas de la vie d’un ministre, minimise celui qui, en mai, a été reconduit par Emmanuel Macron et veut placer sa rentrée sous le signe de l’action avec augmentation de 1 000 euros pour les magistrats et le chantier des Etats généraux de la justice. Mais le sparadrap est toujours là.