Les courtiers peinent à trouver leur place à l’ère de la hausse des taux

Publié le 2 sept. 2022 à 7:40

Cela fait des mois que les courtiers martèlent leur message. « A cause du taux d’usure, le marché du crédit immobilier est à l’arrêt ». Sondage commandé à l’appui, ils affirment que les taux d’intérêt – qui progressent depuis le début de l’année – viennent se heurter au plafond de l’usure, taux maximum auquel peuvent prêter les banques et qui n’est recalculé que tous les trois mois.

Problème, dans les chiffres de la Banque de France, ce blocage est encore invisible, malgré un début de normalisation. Les banques ont même réalisé une production à nouveau record sur les six premiers mois de l’année. Ce qui n’empêche pas les courtiers de rester sur leur ligne, et de prédire désormais l’arrêt du marché pour le mois de janvier, après avoir sonné son glas pour septembre.

Cette persistance a d’ailleurs irrité le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui n’hésite plus à qualifier de « peu crédible » les chiffres avancés par la profession. Mais alors sur quoi reposent les craintes des courtiers ? « On est à l’aube d’un changement d’ère avec la hausse des taux, glisse une source côté autorité financière. L’industrie du courtage est née et s’est développée sur la longue phase de baisse des taux [en aidant les ménages à renégocier leur dette, NDLR]. La nouvelle donne risque de ne pas leur être aussi favorable. »

Mauvais pari ?

Cette situation peut en effet crisper certains acteurs. « Les fonds d’investissement comme BlackFin, SilverLake ou encore Bridgepoint, derrière les gros courtiers français [respectivement Cafpi, Meilleurtaux et Empruntis, NDLR] ont acheté ces acteurs à prix d’or avec des perspectives de croissance particulièrement séduisantes, assure un ancien patron de réseau. Forcément, ils ont dû mal à accepter qu’ils aient parié sur un cheval moins performant que prévu. »

Certains signaux ont en effet de quoi inquiéter. D’abord, certaines banques ont décidé de protéger leur marge en se passant des services des courtiers afin d’économiser les commissions d’apporteur qu’elles leur versent. Et la situation semble perdurer. « Des banques qui nous avaient dit qu’elles reprendraient le travail avec nous en septembre ont finalement changé d’avis », reconnaît l’un d’eux.

Baisse des renégociations

Autre signal, le recul constant des renégociations depuis plusieurs mois. Leur part dans la production mensuelle de crédit à l’habitat est passée de 19,5 % en avril à 13,7 % en juillet. Or, les renégociations de taux, qui peuvent permettre d’obtenir un taux plus avantageux, ont été l’un des piliers du développement des courtiers, en particulier depuis 2017 et l’accélération de la baisse des taux. Les professionnels estiment néanmoins que ce service reste toujours demandé par les clients, quel que soit le contexte de taux.

Difficile cependant de quantifier un éventuel recul des parts de marché des courtiers sur le crédit immobilier car cette statistique n’existe pas. Les professionnels avancent pour leur part entre 30 % et 40 %. Cependant, les deux plus gros réseaux, Cafpi et Meilleurtaux, ne représentent à eux deux pas plus de 20 milliards d’euros, selon eux. C’est peu, comparé aux 273 milliards d’euros de crédits immobiliers produits en 2021.