
Publié le 1 sept. 2022 à 12:04
Voilà qui risque fort d’alimenter le débat sur la taxation des « superprofits ». Les rachats d’actions, l’autre manière avec les dividendes de rendre de l’argent aux actionnaires (en soutenant indirectement les cours), n’ont jamais eu autant la cote en France : ils ont atteint près de 15 milliards d’euros au sein du SBF 120 au premier semestre, contre 5,6 milliards l’an passé, d’après les données de Natixis. Un nouveau record a été battu chaque mois depuis le début de l’année (à l’exception de juillet).
« C’est une situation exceptionnelle, on a quasiment réalisé l’équivalent d’une année complète en un semestre », se réjouit Cédric Richard de Natixis, dont l’équipe a réalisé 22 opérations depuis le début de l’année. A ce titre, 2022 s’inscrit déjà comme une année exceptionnelle pour les rachats d’actions français, dépassant tous les records annuels à l’exception de 2021. Il faut dire que l’année dernière avait été hors norme avec 28,7 milliards d’euros de rachats d’actions, soit près de deux fois plus que le précédent record de 14,9 milliards en 2016.
Des rachats multipliés par 3 en un an
La tendance est la même sur l’ensemble du Vieux Continent. Les grandes entreprises européennes ont consacré 70 milliards d’euros à des programmes de rachats d’actions au premier semestre, selon les données compilées par BNP Paribas Exane auprès de 320 sociétés cotées. C’est plus de trois fois plus qu’au cours de la même période l’an dernier, et quasiment équivalent à l’ensemble de l’année passée (74,6 milliards).
Ces rachats d’actions gargantuesques viennent s’ajouter à des dividendes record. Les versements aux actionnaires sont en effet la conséquence directe de résultats exceptionnels. Des profits record ont été engrangés par les entreprises en 2021 et au premier semestre 2022. Trois secteurs cycliques, largement portés par la reprise mondiale post-Covid, ont concentré 57 % des rachats d’actions européens : énergie, matières premières et secteur financier.
TotalEnergies a notamment réalisé près de 3 milliards d’euros de rachats d’actions au premier semestre. Elle a été la société française la plus active devant ArcelorMittal (1,8 milliard), Axa (1,6 milliard) et LVMH (1 milliard). Au niveau européen, le britannique Shell arrive largement en tête avec 8,3 milliards d’euros, devant BP (3,7 milliards), le néerlandais ASML (3,3 milliards) et l’allemand Linde (3,1 milliards).
Des profits record
Il faut dire que jusqu’ici, pour les grandes entreprises cotées, tout va bien. Elles ont pu largement répercuter la hausse des coûts de production à leurs clients. Après avoir été confrontées pendant des années à un environnement déflationniste qui rendait toute hausse des prix difficile, elles en ont même souvent profité pour améliorer leurs marges. En moyenne en France, celles des entreprises du CAC 40 ont continué à progresser au premier semestre. Mais le seuil de douleur approche alors que les coûts, comme l’énergie ou les salaires, continuent de grimper. Et que les nouvelles hausses de prix risquent de plus en plus d’être contre-productives et de détruire de la demande.
Pourquoi se montrer aussi généreux avec les actionnaires alors que l’horizon s’assombrit ? « Les politiques de retour aux actionnaires sont mûrement réfléchies », assure Cédric Richard. Les rachats d’actions offrent une flexibilité importante au management qui peut décider de les interrompre à tout moment, contrairement aux dividendes que les actionnaires s’attendent à voir reconduits d’une année sur l’autre.
Dégradation macroéconomique
La fin d’année permettra-t-elle de dépasser le record de 2021 ? Si une récession devait frapper le Vieux Continent, les profits en souffriraient inévitablement. Mais en l’absence de forte dégradation macroéconomique , un nouveau record reste à portée de main.
En France, Axa a notamment annoncé un nouveau programme de 1 milliard d’euros début août, et TotalEnergies a évoqué fin juillet une enveloppe de 2 milliards de dollars par trimestre tant que les prix du pétrole resteront élevés. « Pour les investisseurs, cela pourrait être perçu comme un signal rassurant, illustrant la confiance des entreprises dans leurs performances futures », estime Bénédicte Thibaud de BNP Paribas Exane.
Pour espérer faire mieux que l’an dernier, d’autres programmes de grande ampleur seront toutefois nécessaires. A l’image de celui envisagé par BNP Paribas. La banque de la rue d’Antin a évoqué le lancement d’un programme de rachat d’actions de 4 milliards d’euros une fois la cession de sa filiale américaine Bank of the West finalisée. L’opération, annoncée fin 2021, devrait être bouclée cette année, avait alors indiqué la banque française.