L’inflation relance le match entre l’assurance-vie et le Livret A

Publié le 5 sept. 2022 à 13:43

Le match assurance-vie / Livret A va-t-il redémarrer? En juillet, les ventes nettes de l’assurance-vie se sont élevées à 800 millions d’euros, a dévoilé ce lundi France Assureurs. C’est certes légèrement plus qu’en juin, mais bien loin des 2,6 milliards engrangés par le livret réglementé, dont la collecte a explosé juste avant le doublement de son taux, à 2%.

« La dynamique de l’assurance vie reste bien orientée depuis le début de l’année », souligne néanmoins Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs, le lobby de la profession. A fin juillet, les cotisations brutes (hors retraits et rachats) ont atteint 88,4 milliards d’euros, un « plus haut historique depuis 2010 ».

Baisse des encours

Les ventes ont été tirées par les nouveaux plans d’épargne retraite (PER) et par les unités de compte (UC), un produit au capital non-garanti. Investies dans une kyrielle de marchés financiers, les UC ont drainé 41 % des cotisations cette année, malgré le recul des Bourses.

Cette volatilité des marchés a fait reculer les encours totaux de 1,5 % sur les sept premiers mois de l’année, à 1.850 milliards d’euros, en raison d’un cocktail inédit lié à la guerre en Ukraine, à la remontée des taux d’intérêt des banques centrales et à une inflation au plus haut depuis 40 ans.

La hausse des prix à la consommation a déjà fait bondir le taux du livret A, qui a doublé le 1er août . « Les épargnants vont forcément comparer les taux de ce placement avec ceux de l’assurance-vie, mais la plupart de nos clients ont déjà rempli leurs livrets », relativise Fabien Wathlé, directeur général d’Allianz France.

Quelle que soit la concurrence réelle de l’épargne réglementée, le produit historique de l’assurance-vie (75 % des encours) continue de boire la tasse. A rebours de l’euphorie sur les UC, les fonds en euros ont en effet accusé 11,5 milliards d’euros de sorties nettes sur les sept premiers mois de l’année. Soit presque autant que sur toute l’année 2021.

Choc de la remontée des taux

Victime des taux bas, qui ont fait chuter leurs rendements annuels moyens de 2,90 % en 2012 à 1,30 % l’an dernier, les fonds euros pourraient rebondir en 2022. Cyrille Chartier Kastler, fondateur de Facts & Figures, avance une fourchette « entre 1,60 % et 2 % » pour les ​contrats individuels (hors retraite), contre 1,08 % en moyenne en 2021.

C’est encore loin de compenser l’inflation, qui a atteint 5,8 % en août en rythme annuel. Mais « si le secteur reste sur des taux trop bas, il y a un gros risque de décollecte derrière, ce qui posera un problème systémique au secteur », estime le consultant. Un risque minimisé par les professionnels, qui mettent en avant l’horizon de long terme des assurés, lié à l’avantage fiscal du produit.

Scénarios

A l’unisson, la profession estime qu’il est « trop tôt » pour se prononcer sur la performance des contrats en fin d’année, mais qu’il « faut accompagner la hausse des taux »… dans la durée. « Le fonds en euros ne se gère pas avec des à-coups de rémunération aussi forts que sur le Livret A, déclare Thomas Behar, directeur général adjoint de CNP Assurances. En fonction de la part d’UC dans les contrats, CNP pourra proposer des bonifications pouvant « conduire à des taux supérieurs à 2 % ».

S’ils doivent rester compétitifs par rapport au Livret A, les assureurs ont leurs propres contraintes. Si la remontée des taux d’intérêt est bénéfique pour les nouveaux investissements en obligations, majoritaires dans leurs portefeuilles, le phénomène fait aussi baisser le rendement du stock de titres anciens.

« La remontée des taux ne nous prend pas de court car elle faisait partie de nos scénarios qui nous ont amenés à diversifier le fonds en euros avec des actions, des actifs non cotés et à le protéger avec des dérivés », affirme Pauline Leclerc-Glorieux, directrice générale de BNP Paribas Cardif.

Puiser dans les réserves

Pour autant, la hausse des taux servis en 2022 ne pourra pas venir de plus-values sur les portefeuilles, sauf bonnes surprises en fin d’année. Les assureurs pourront en revanche arrêter de doter leurs réserves annuelles ou puiser dans ces provisions constituées au fil des ans.

« Nous ne sommes pas dans des scénarios panique mais le rythme de consommation des réserves dépendra du rythme de remontée des taux », selon Cyrille Chartier-Kastler. Moins généreuses sur les taux servis, les filiales d’assurance des banques disposent de matelas confortables. D’autres ont moins de marge de manoeuvre, comme Abeille. L’assureur du contrat de l’Afer, une puissance association d’épargnants, ne fait pas de commentaires.