SNC Marcadier : roulez vieillesse !

Nous avons un patron et nous faisons des gabarits pour tout.

Les deux frangins commencent leur carrière dans la conception et la fabrication de cuisine, essentiellement à destination des particuliers. Ils les dessinent, les produisent, avec, déjà, cet amour du travail bien fait. Leur entreprise, créée en 1997 à Châteauneuf, « tourne bien ». Le marché est alors en plein essor et la demande ne se tarit pas. Et puis, un jour, « en 1995 », rembobine Dominique en souriant, « je retape une première voiture, pour un copain ». Comprenez : il hérite d’un châssis (et un peu plus) d’une Amilcar CGSS et en refait l’intégralité de la structure bois (celle-là même qui, une fois recouverte de sa carrosserie, redonne à ces vieilles autos une nouvelle jeunesse). « C’est un véhicule en forme d’obus », détaille l’artisan, dont le bureau est peuplé de petites voitures, modèles rétro, posées sur des étagères. Des dizaines de petites merveilles méticuleusement garées et qui trahissent la passion de ces deux patrons pour le monde automobile. « Mais une fois que j’en ai eu fini avec cette restauration inédite, je me suis dit ‘plus jamais’», s’amuse Dominique Marcadier. Et pourtant. L’amour des belles voitures est plus fort que son apparente raison.
Quelques mois plus tard, il se retrouve à faire l’acquisition d’un cabriolet 5HP Citroën lors de la bourse d’échange de véhicules anciens de Cognac. « J’avais vu un copain, lors des Remparts, courir avec, ça m’a donné envie ». Il la refait « de A à Z ». Plan, boiserie, sellerie, mécanique, tout y passe. Au bout de toutes ces heures de travail : le plaisir de s’élancer sur les routes avec cet engin vrombissant. « Je l’ai gardée longtemps », ponctue Dominique. « J’ai fait 20 000 kilomètres avec », raconte l’artisan qui, après en avoir retapé une troisième, décide de les présenter pour exposition. Devant les retours élogieux des connaisseurs, les deux frères prennent la décision de démarrer doucement sur ce marché. Des six employés à l’atelier, deux basculent des travaux sur « cuisine » aux vieilles automobiles. Certains salariés goûtant beaucoup moins que leurs patrons à cette passion, ils partent un à un. En 2007, la société investit de nouveaux locaux, à Fléac. Stéphane et Dominique ne sont plus que deux et se dédient uniquement, désormais, à la restauration de vieilles autos. Parcourent les salons dédiés dont leur chouchou, Epoqu’auto, à Lyon. L’aventure est lancée.

Des modèles à plusieurs millions

Ici, aucun plan n’est dessiné sur ordinateur. Le papier et le crayon règnent en maîtres.

Photo Quentin Petit

Dans leur atelier, qui n’héberge aucune machine numérisée, se côtoient d’incroyables automobiles : une Lorraine Dietrich B36 « six cylindres », une Renault KZ10, une Citroën B12 ou encore une Lagonda. Certaines de ces vieilles dames proviennent d’ateliers de restauration, d’autres, de particuliers, collectionneurs pour certains. Il ne reste parfois pas grand-chose de ces voitures centenaires. Pour en recréer la structure, il faut alors parfois partir à la recherche de plans d’origine, exhumer des cotes. Un effort de recherche qui fait partie intégrante de l’activité. Les structures, elles, sont faites uniquement de bois de frêne. Qui, foi de menuisier, ne connaît pas l’inflation. « Il est aussi résistant que le chêne mais deux fois moins lourd », fait remarquer Stéphane.

Au milieu de leur modeste atelier, où trônent ces belles endormies, les deux frères, qui travaillent en moyenne 250 heures sur chaque auto, confient être parfois amusés de ce monde auquel il se confronte. Parmi leurs clients, tantôt passionnés, tantôt fortunés, il y a également « des financiers » qui spéculent sur un marché des autos anciennes qui ne connaît guère la crise. Comme le propriétaire de cette Talbot Goutte d’eau pour qui la rénovation de ce bolide a dû avoisiner 850 000 euros. À la revente, « son prix frise aisément les 3 millions d’euros ».

Concernant les réalisations des frères Marcadier, « la valeur ajoutée se fait également sur de la main-d’œuvre ». Généralement « entre 6000 et 50 000 euros » par auto, relate Dominique.

Dominique et Stéphane Marcadier.

Photo Quentin Petit

Sur un marché quelque peu freiné par le covid et le Brexit, les deux frères continuent à tracer sereinement leur route. La concurrence, anecdotique sur leur secteur, n’est pas en mesure de les effrayer. De la Suisse aux États-Unis, des clients des quatre coins du monde vont continuer à appeler. Pour venir chercher ce french savoir-faire so charentais. Roulez vieillesse !

270

Double brasier Phaeton, Bugatti 40, Lombard AL3, Type A Citroën… Au total, quelque 270 véhicules anciens sont passés entre les mains de l’entreprise.