Wall Street se prépare à la taxation des rachats d’actions

Publié le 1 sept. 2022 à 15:30

C’est une petite révolution au pays de l’oncle Sam. La réforme fiscale passée cet été au Congrès a introduit pour la première fois une taxe sur les programmes de rachats d’actions, à hauteur de 1 % de la valeur des actions acquises. Le taux appliqué peut sembler faible voire symbolique, mais ce nouvel impôt devrait tout de même permettre de lever la coquette somme de 74 milliards de dollars sur dix ans, d’après le service de recherche du Congrès.

Cette taxe sur les rachats d’actions s’appliquera à partir du 1er janvier prochain, ce qui laisse l’opportunité aux entreprises américaines d’avancer leurs opérations pour échapper à l’impôt. Elles ont d’ailleurs accéléré les rachats d’actions ces dernières semaines. Les entreprises clientes de Bank of America ont ainsi racheté pour 3,2 milliards de dollars de leurs propres titres la semaine dernière, une frénésie inédite depuis début janvier.

Un impact limité

Les rachats d’actions ont explosé ces dernières années à Wall Street. En 2018, année du passage de la réforme fiscale de Donald Trump, les entreprises américaines ont dépensé plus de 1.000 milliards de dollars pour racheter leurs titres. Un record qui pourrait bien être battu cette année. Au premier trimestre, dernière période pour laquelle des données sont disponibles, les sociétés membres du S&P 500 ont effectué 281 milliards de dollars de rachats d’actions, un record absolu. Sur la même période, les dividendes versés se sont élevés à 137 milliards. A la mi-août, des programmes de plus de 850 milliards au total avaient déjà été annoncés, selon Goldman Sachs.

Au-delà de sa capacité à générer des revenus, les législateurs américains espèrent que cette nouvelle taxe poussera les entreprises à investir davantage dans leurs employés et leurs usines. Mais les experts se montrent le plus souvent sceptiques. « Les sociétés qui distribuent leurs bénéfices aux actionnaires, sous forme de dividendes ou de rachats, le font généralement parce qu’elles ne trouvent pas d’investissements intéressants », explique Steve Rosenthal du Tax Policy Center. « Et si une société ne rachète pas ses actions, elle peut toujours verser des dividendes », ajoute-t-il.

Ce think tank (groupe de réflexion) estime que la nouvelle taxe aura pour effet d’encourager les sociétés à rééquilibrer les versements à leurs actionnaires en faveur des dividendes. L’impact reste toutefois limité avec un impôt de 1 % : les dividendes pourraient augmenter en conséquence de 1,5 %, estime-t-il. Mais même cet impact paraît bien incertain, car les dividendes resteront bien plus taxés que les rachats d’actions. Ils sont en effet soumis à un impôt sur les revenus du capital de 20 %.