Diablo, Starcraft, World of Warcraft, Hearthstone ou encore Overwatch… La quasi-totalité des licences célèbres produites par le studio américain Blizzard, filiale d’Activision Blizzard, devaient devenir inaccessibles en Chine, dans la nuit du lundi 23 au mardi 24 janvier, à minuit. Son accord d’édition avec le Chinois NetEase, qui distribuait ses jeux dans le pays depuis 2008, a en effet pris fin. Blizzard se voit ainsi privé d’accès au plus gros marché mondial du jeu vidéo, qui représentait 36,7 milliards d’euros en 2022 (269 milliards de yuans), où les entreprises étrangères doivent obligatoirement passer un accord avec un éditeur chinois pour commercialiser leurs productions.
Cette suspension, officialisée par NetEase dans « une lettre d’adieu » publiée le 23 janvier, n’est toutefois pas une surprise. En novembre 2022, un communiqué des créateurs de World of Warcraft annonçait déjà qu’ils avaient échoué à renouveler leur partenariat avec l’éditeur sis à Hangzhou, sans préciser quels étaient les points de friction. Selon des témoignages recueillis par les agences de presse Bloomberg et Reuters, la brouille porte non seulement sur le montant des accords mais aussi sur la propriété intellectuelle des titres – point que NetEase dément.
Trois mois plus tard, les négociations étaient toujours dans l’impasse. « Malheureusement, NetEase a refusé de prolonger l’édition des jeux pour six mois supplémentaires, le temps que nous trouvions un nouveau partenaire, afin que tout le monde puisse continuer de jouer », a regretté l’entreprise californienne dans un communiqué publié sur le réseau social Weibo, le 17 janvier.
Devenu inéluctable, le retrait des jeux vidéo iconiques de Blizzard de Chine suscite aussi un important mécontentement en ligne, souligne le quotidien hongkongais South China Morning Post. Pour essayer de ne pas l’amplifier, Blizzard a annoncé au mois de décembre que les utilisateurs pourraient effectuer une sauvegarde totale de leur progression, personnages ou objets collectés, le temps qu’un nouveau contrat soit noué avec une autre entreprise.
L’essor du marché chinois
Au lendemain de cette déclaration, NetEase s’est montré très critique envers son ancien partenaire, dans un communiqué publié sur le réseau social WeChat. L’éditeur a dénoncé un contrat « inégal et injuste », invoquant « un manque de considération » de la part des Américains « pour les joueurs et NetEase ». Le jour même, une statue à l’effigie d’une arme de World of Warcraft a été démantelée du jardin du siège de NetEase, ont rapporté des observateurs sur place. Le remboursement des produits Blizzard après la suspension du service a été annoncé.
Ces réprobations publiques, rares dans le secteur, montrent que les rapports de force ont changé entre les deux anciens associés. Au moment où fut scellé leur accord, en 2008, NetEase était dépendante des franchises de Blizzard, qui représentaient plus de 98 % de son chiffre d’affaires. Propulsée par ce partenariat comme un acteur majeur du marché chinois, la modeste entreprise est devenue le deuxième plus gros éditeur du pays, derrière Tencent. Elle revendiquait 13,7 milliards de dollars (12,7 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2021, soit plus qu’Activision Blizzard (8,1 milliards de dollars, soit 7,5 milliards d’euros), pourtant leader aux Etats-Unis. Ce géant du secteur a désormais les moyens de racheter d’autres studios, par exemple le Français Quantic Dream en août dernier, et son catalogue est très étoffé. L’exploitation des licences de Blizzard ne recouvrait que 9 % de son chiffre d’affaires en 2021 : les perdre ne risque donc pas de lui être fatal.
La rupture n’est toutefois pas totale. NetEase et Blizzard continueront de travailler ensemble pour un seul jeu : Diablo Immortal, sorti en 2022 sur PC et mobile. Contrairement aux titres précédemment cités, celui-ci a été codéveloppé par les deux entités et bénéficie ainsi d’un contrat d’édition à part.
Reste que le raidissement des relations entre NetEase et Activision Blizzard pourrait laisser présager d’autres suspensions dans le futur. Le contrat d’édition de Minecraft de Microsoft, noué lui aussi avec NetEase, se termine en août. Le cabinet spécialisé dans les marchés asiatiques Niko Partners redoute que le même scénario se reproduise, d’autant plus qu’en janvier 2022 Microsoft s’est lancé… dans le rachat d’Activision Blizzard.
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