Argentine : la lente réhabilitation du fleuve Riachuelo, le plus pollué du pays

« L’œil » recueille tous les déchets. Baptisée ainsi par les services de la ville de Buenos Aires, en raison de sa forme circulaire, la poubelle flottante collecte tout ce que le vent amène ou que les passants jettent dans le fleuve Riachuelo : bouteilles en plastique, canettes, sachets de chips… Un catamaran jaune les y dépose par pelletées. Un autre bateau viendra récupérer le contenu de cette poubelle aquatique, pour le déposer dans une décharge publique.

Vue sur le quartier touristique de La Boca, depuis le Riachuelo, à Buenos Aires, le 15 novembre 2022.
Des déchets accumulés sur les berges du Riachuelo, à Buenos Aires, le 15 novembre 2022. La zone fait partie des 4 % qui sont encore à assainir.

Grâce à ce ballet, qui se déroule toute la journée, tous les jours de la semaine, le plan d’eau, situé dans le quartier touristique de La Boca, dans le sud de la capitale argentine, est immaculé. La vitrine que constitue cette partie du cours d’eau offre ainsi aux visiteurs une image agréable. Un timide progrès pour le fleuve le plus pollué du pays. Car le bassin Matanza-Riachuelo, de son nom complet, représente un immense défi environnemental, sanitaire et social, qui a longtemps été ignoré.

Des travaux titanesques, à l’œuvre depuis 2016, devraient aboutir au premier semestre 2023 et laisser le fleuve respirer : la construction de 40 kilomètres d’égouts et d’une usine de « prétraitement » – qui consiste à isoler les éléments solides, les graisses et le sable des eaux usées avant de rejeter dans le fleuve la partie liquide – constitue la plus importante extension du système de canalisation de la région depuis soixante-dix ans.

« Tout le monde, entreprises et habitants, a profité de l’absence de loi et du manque d’intérêt de l’Etat pour le sud de la ville [plus pauvre] qui a toujours été négligé », explique Javier Garcia Elorrio, responsable de l’hygiène urbaine à la ville de Buenos Aires, à propos de ce vaste territoire de plus de 2 000 km2, où vivent 4,5 millions de personnes (près de 10 % de la population du pays), dont la moitié est sans égouts. Le fleuve, qui parcourt au total 64 km et traverse quatorze municipalités au sud-ouest de Buenos Aires, en plus de la capitale, est la poubelle historique de la région.

« Plus de 4 000 industries sont implantées sur son cours moyen et inférieur, et beaucoup d’entre elles déversent des effluents sans traitement », relève le gouvernement argentin dans une note datant de 2022 au sujet de cette zone, la plus urbanisée et industrialisée du pays. Parmi ces déchets : les eaux usées des tanneries et des métaux lourds du secteur pétrochimique, déversés dans ce cours d’eau à la faible pente qui se jette ensuite dans le fleuve de La Plata.

Un bateau de nettoyage de la ville collecte les déchets qui s’accumulent, dans le quartier de La Boca, à Buenos Aires, le 15 novembre 2022.
Une enceinte flottante où sont déposés les déchets, le 15 novembre 2022, à Buenos Aires.

Qui pour s’emparer de ce dossier ? Avec un cours d’eau traversant de nombreuses municipalités, la province et la ville de Buenos Aires, aux enjeux couverts par de nombreux ministères, les autorités ont longtemps ignoré la question ou agi sans coordination.

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