
Trente-deux morts, 340 blessés : les Belges connaissent le bilan des attentats islamistes qui ont dévasté l’aéroport de Zaventem et la station de métro Maelbeek, au matin du 22 mars 2016. Ils ignoraient toutefois la douleur incurable des survivants et de tous ceux qu’on appelle les victimes « collatérales », parents, proches, amis et, au-delà, des personnes physiquement indemnes, mais marquées à tout jamais par les actes dont doivent répondre les neuf accusés qui comparaissent depuis des mois – et sans doute jusqu’à l’automne – devant la cour d’assises de Bruxelles.
Aucun d’entre eux n’a regardé les images que Karen Northshield, 37 ans, a fait projeter, mercredi 29 mars, pour démontrer que, si son visage était intact, son corps avait été littéralement détruit. Cette nageuse de haut niveau, Belge d’origine américaine, a été hospitalisée durant quatre ans, après soixante-dix-neuf jours aux soins intensifs, et elle a subi une soixantaine d’interventions, dont l’ablation de plusieurs organes. La première bombe qui a explosé à l’aéroport, elle en porte encore des fragments en elle. « Je n’ai pas connu la mort, mais j’ai connu l’enfer », a-t-elle expliqué.
Jurés et public abasourdis
Ce récit aura été l’un des derniers livrés à des jurés et un public abasourdis. Durant plusieurs semaines, la présidente Laurence Massart a encouragé des dizaines de témoins à livrer leur histoire, leur tristesse, leur colère. L’un d’eux, Sebastien Bellin, 44 ans, ancien membre de l’équipe nationale belge de basket, est, lui, venu dire qu’il était prêt à pardonner, même s’il est handicapé à vie, avec une jambe atrophiée depuis que la deuxième bombe de Zaventem l’a atteint.
« Je suis prêt à vous tendre la main. Voyez cela comme une aide que je vous offre pour vous améliorer. Car ce sera ça, ou pourrir dans une cellule. En tentant de m’anéantir, vous avez fait de moi un homme meilleur », lâchait ce géant en regardant la présidente, qui lui avait intimé l’ordre de ne pas fixer les sept accusés présents dans le box à ce moment. Il est sorti de la salle en souriant mais il a fondu en larmes face à un cliché le montrant dans une chaise roulante, poussé par ses deux filles.
Nidhi Chaphekar est, elle, venue spécialement de Bombay. On ne reconnaît pas cette ancienne hôtesse de l’air dont, pourtant, la photo a fait la « une » des journaux au lendemain du 22 mars : quand une reporter a saisi son image à Zaventem, sa veste avait été partiellement arrachée, son ventre était à l’air, elle avait du plâtras sur tout le corps, son regard traduisait son incompréhension. Elle semblait toutefois presque indemne. Erreur : grièvement brûlée, elle a failli mourir d’une grave infection. Aujourd’hui, elle porte des gants qui cachent ses mains brûlées, elle a perdu son travail (« Pour être hôtesse, il faut être présentable »), mais s’est dite heureuse d’avoir pu être présente.
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