Bercy désarmé face aux milliards d’euros de profits des sociétés d’autoroutes

Cela ne fait aucun doute : les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont été, en 2022, des poules aux œufs d’or pour leurs propriétaires, les groupes Vinci, Eiffage ou l’espagnol Abertis. Leur rentabilité est exceptionnelle et gonfle les résultats de ces géants des infrastructures et du BTP. Les parlementaires, qui voient passer les milliards d’euros de profits de ces groupes (2,2 milliards d’euros pour les autoroutes de Vinci, 1 milliard pour APRR-AREA d’Eiffage), ne cessent de s’interroger.

L’Etat, lorsqu’il a privatisé ces sociétés d’autoroutes, ne les a-t-il pas bradées ? Et, surtout, puisqu’elles sont si rentables, n’y aurait-il pas moyen de récupérer une partie de la manne pour mieux financer les infrastructures qui en ont tellement besoin : rail, fret, canaux… ou toute autre dépense de l’Etat ? Vincent Delahaye, sénateur (Union des démocrates et indépendants) de l’Essonne, en a fait son cheval de bataille au Sénat. Les députés du Rassemblement national multiplient les questions au gouvernement sur ce thème.

Et Eric Coquerel, président (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a demandé, avec Jean-Marc Zulesi, président (Renaissance) de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à entendre sur ce sujet les ministres Bruno Le Maire (économie) et Clément Beaune (chargé des transports), mercredi 22 mars, à 17 heures. Il est vrai qu’au 1er février, les tarifs des péages ont augmenté de 4,75 %.

Rentabilité plus élevée que prévu

Le sujet des superprofits de ces sociétés a été remis à l’ordre du jour par Le Canard enchaîné, qui a révélé, dans son édition du 25 janvier, le contenu d’un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l’environnement et du développement durable, remis en février 2021 à Bruno Le Maire, Gérald Darmanin (alors ministre chargé du budget) et Jean-Baptiste Djebbari (alors ministre délégué aux transports).

Commandé pour permettre à l’Etat de se défendre dans un contentieux l’opposant aux sociétés concessionnaires sur la taxe d’aménagement du territoire, ce rapport sur « le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes » devait évaluer leur rentabilité.

Il y a pour cela une méthode classique, reprise dans le rapport des deux inspections, et documentée par l’Autorité de régulation des transports (ART), organisme indépendant, dans un autre rapport, publié le 26 janvier. Elle consiste à calculer le taux de rentabilité interne par projet. Pour cela, on regarde le solde entre les encaissements (les revenus des péages) et les décaissements (l’investissement dans les routes et les dépenses pour leur entretien) sur toute la durée du contrat de concession, et on calcule un taux moyen annuel de rentabilité.

Il vous reste 59.53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.