Comment la visite de Charles III en France s’organisera au gré des contestations

Pour sa première visite en France, le nouveau roi d’Angleterre se trouvera au beau milieu d’une révolte sociale, liant grèves et manifestations.






Par Théo Sauvignet


Comme des quantités de détritus s’amoncellent dans les rues, les manifestants n’hésitent pas à en faire des feux.
© LAURE BOYER / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

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Le roi Charles III a choisi la France pour sa première visite à l’étranger et devrait arriver ce dimanche 26 mars dans la capitale. Au programme de la première journée : une cérémonie au pied de l’Arc de Triomphe, un discours au Sénat et un banquet d’État au château de Versailles. Tous ces déplacements ne sauront épargner au successeur d’Elizabeth II le constat de l’ampleur de la contestation contre la réforme des retraites en France : plus de 9 000 tonnes de déchets étaient encore accumulées dans les rues de Paris une semaine plus tôt.

La réquisition de 150 agents de la mairie de Paris – qui se charge notamment du ramassage des ordures dans les trois arrondissements autour de l’Arc de Triomphe – aura du mal à suffire : en une journée, seules 700 tonnes de déchets ont été traitées par les personnels mobilisés. Les éboueurs ont décidé de reconduire la grève pour une semaine supplémentaire, jusqu’au 27 mars, jour du départ du couple royal pour Bordeaux.

Aucun bain de foule

Côté mobilisation, le roi échappera au rassemblement le plus important prévu jeudi, mais il n’est pas exclu que d’autres soient organisés d’ici sa venue. Néanmoins, tout désagrément lié à un cortège de manifestants dimanche ne serait pas sans rappeler un incident survenu en 2004, lorsque Jacques Chirac était arrivé en retard à Buckingham Palace après avoir été bloqué par des partisans de la chasse à courre en pleine protestation contre l’interdiction de leur pratique à Londres. L’entourage du président français, cherchant peut-être une excuse, avait soupçonné la Couronne d’avoir sciemment manqué de fermeté pour disperser les manifestants dans le but de contraindre les époux Chirac à la faute protocolaire.

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Pour assurer l’encadrement d’une mobilisation contre la réforme des retraites qui prend de plus en plus l’air d’une révolte contre la présidence, l’État français prévoit un dispositif rarement vu dans le pays. Ce jeudi, 12 000 policiers seront déployés en France pour gérer la mobilisation paroxysmique, dont 5 000 à Paris. La violence a atteint un niveau qui n’avait plus été observé depuis la crise des Gilets jaunes : poubelles brûlées, vitrines cassées, violences policières exacerbées. Trois cents membres des forces de l’ordre ont été blessés depuis le début de la contestation liée à la réforme des retraites et des dizaines de manifestants ont été arrêtés partout en France, parfois dans des conditions discutables.

Si la contestation se calme dimanche, le roi Charles III devrait éviter les cortèges, où l’on dénonce notamment la posture monarchique prise par la présidence d’Emmanuel Macron, décrit par Sandrine Rousseau comme un « monarque républicain ». Dans tous les cas, aucun bain de foule n’est prévu.

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Les employés du Mobilier national ont, eux, annoncé qu’ils ne participeraient pas à l’accueil du roi dimanche soir à Versailles. « Nous sommes tout à fait conscients qu’en fin de semaine le roi d’Angleterre sera accueilli en France et que nos services seront sollicités. Nous disons : cela n’a rien à voir avec le protocole, ce sera sans nous ! » ont-ils expliqué dans un communiqué de la CGT Culture. En grève, les salariés ont aussi évoqué leur soutien au mouvement qui agite le secteur anglais de la culture pour protester contre l’augmentation des prix.

Bordeaux : balade en tram compromise

Dès son arrivée à Bordeaux, lundi midi, le programme de Son Altesse pourrait, à nouveau, être perturbé : la Couronne, très attachée à l’écologie, a choisi de faire le trajet de la gare Saint-Jean à la place de la Bourse en tramway. Cependant, les salariés des transports urbains de la métropole de Bordeaux en ont décidé autrement et profiteront probablement de l’occasion pour faire entendre leurs voix contre la réforme des retraites.

« Aucun conducteur ne voudra le conduire » affirmait un délégué CFTC dans Sud Ouest, glissant que les voies seront occupées. Le cortège royal devrait alors trouver une alternative pour transporter le roi jusqu’au lieu de son déjeuner avec le maire (EELV) de Bordeaux, Pierre Hurmic, puis jusque dans des vignobles bio de la région.

Après un tour en Aquitaine, où le roi constatera aussi (à sa demande) les dégâts liés aux incendies de l’été dernier, Charles III repartira pour le deuxième pays de sa tournée, l’Allemagne, mercredi 29 mars. Puisqu’un des objectifs de cette visite est de relancer le couple franco-britannique après le Brexit, le roi ne devrait pas tenir rigueur aux Français de potentiels bouleversements du programme liés à la contestation, outre la politesse britannique réputée. Ce serait d’autant moins légitime que la situation est comparable au Royaume-Uni, où de multiples grèves secouent tous les secteurs du pays, en lien avec l’inflation et l’envolée du prix de la vie outre-Manche, et d’une ampleur inédite depuis quarante ans.

Source: lepoint.fr