
« Avant, on changeait les prix une fois par mois. Maintenant, c’est une, voire deux fois par semaine. » Ce gérant d’un supermarché d’Amiens est un témoin-clé de la valse des étiquettes qui agite les rayons depuis maintenant un peu plus d’un an. Lorsque, dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la flambée des prix de l’énergie puis les fluctuations des cours des matières premières ont alimenté la hausse des produits alimentaires. « Difficile aujourd’hui de trouver des pâtes à moins de 1 euro dans un magasin de proximité en dehors des promotions », remarque Ludovic Soudé, qui gère depuis dix ans la supérette Spar de Cousolre (Nord), non loin de la frontière belge.
Comment les Français s’adaptent-ils à ce nouveau monde, où les prix des produits alimentaires se sont envolés de 12,1 % en 2022 selon l’Insee ? Un rythme deux fois plus rapide que l’inflation globale (5,9 %) et qui a tendance à accélérer depuis le début de l’année : 14,8 % en février sur un an et 13,3 % en janvier.
« C’est un contexte inflationniste que les Français ne connaissent pas », explique Gaëlle Le Floch, experte de la grande distribution de l’institut d’études Kantar. Il y a eu certes, l’« épisode de 2008 » avec une inflation alimentaire inférieure à 5 %, durant lequel les Français avaient « sacrifié la qualité des produits achetés en alimentation en se ruant sur l’entrée de gamme, pour conserver leur budget pour d’autres dépenses ». Le tableau est différent aujourd’hui, assure cette spécialiste, car « le Covid et la prise de conscience du manger mieux » sont passés par là.
Les courses « au jour le jour »
Les dépenses alimentaires, qui intègrent la consommation en dehors du domicile dans les cafés ou les restaurants, ont baissé de 4,6 % en 2022, selon l’Insee. Un rythme inédit depuis la mesure de ces statistiques. Dans les seules grandes surfaces alimentaires, le repli est moindre. Les ventes de produits de grande consommation, de fruits et légumes et de frais ont diminué de 0,8 % en volume en 2022, selon Kantar. En 2008, elles avaient chuté de 1,2 % après quinze années de croissance quasiment ininterrompue.
Pour autant, les Français ont changé leur façon de faire les courses depuis un an. Face aux « fortes hausses de prix qui se sont étalées sur plusieurs mois », les clients du Spar de 400 mètres carrés de Ludovic Soudé viennent beaucoup « plus régulièrement » qu’avant. « Deux à trois fois par semaine afin de mieux contrôler leurs dépenses. » Ils ne font plus « comme avant, le gros plein de courses une fois par semaine, mais arrivent avec 20 ou 50 euros, et s’en tiennent à cette somme ». Depuis sa caisse du Carrefour Market de Periers, dans la Manche, Cathy Aubrays s’est, elle aussi, aperçue que les clients « font davantage leurs courses au jour le jour ». L’institut Kantar a mesuré une hausse de 4,9 % du trafic en magasin en 2022 et une baisse moyenne de 4,5 % du nombre d’articles acheté par visite. Avec la hausse des prix, « sur une même valeur de panier, cela fait 5 ou 6 articles en moins », remarque M. Soudé.
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