
La retenue d’eau de Sainte-Soline « est un bon projet [qui] a passé toutes les étapes des processus d’autorisation. Dans le respect des règles de l’Etat de droit, il a pu faire l’objet de recours par les opposants, qui ont perdu devant la justice. » Voila ce que déclarait la première ministre, Elisabeth Borne au Sénat, le 2 novembre 2022, après un week-end de manifestation agité dans le Poitou. Or l’affirmation n’est pas exacte : la cour administrative d’appel de Bordeaux doit encore se prononcer sur le sort de Sainte-Soline, ainsi que sur celui des quinze autres « mégabassines » prévues par la Société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres, la Coop 79.
Dans les quatre départements de l’ancienne région Poitou-Charentes, la lutte contre une gestion de la ressource destinée à pérenniser un modèle agricole qui a grandement compté dans l’assèchement des zones humides et réduit en particulier le Marais poitevin, s’est d’abord jouée devant la justice. Sur ce terrain-là, les opposants à la multiplication de ces infrastructures – destinées à être remplies en pompant dans les nappes phréatiques en hiver afin de garantir un accès à l’eau toute l’année aux agriculteurs, en premier lieu des irrigants –, ne désarment pas non plus.
Le collectif qui mène cette bataille est composé notamment de la Ligue de protection des oiseaux, la fédération Poitou-Charentes Nature, SOS rivières et environnement, de deux associations de pêcheurs, de la Confédération paysanne et de l’UFC-Que choisir.
Il a fait ses comptes en mars : les 93 retenues de substitution prévues – dont certaines sont déjà réalisées – ont toutes fait l’objet de recours. Pour huit d’entre elles, ils ont été perdus en deuxième instance. Les autres sont en attente d’un jugement ou en cours d’instruction.
Impact négatif sur le niveau de la rivière
Etudes d’impact insuffisantes et surdimensionnement sont les principaux arguments que les associations avancent devant les juges. Car de la Vienne à la Charente, elles redoutent certes de voir la ressource accaparée au profit de quelques exploitants, mais surtout que les retenues dites de substitution n’entraînent des prélèvements encore plus élevés qu’auparavant dans une nature épuisée. Ainsi après un premier recours de leur part, la Coop 79 a-t-elle revu à la baisse ses ambitions et fait passer le nombre de ses bassines de 19 à 16.
Les associations ont en outre déposé un recours contre les 16 restantes, dont celle de Mauzé-sur-le-Mignon qui est la seule achevée et en fonctionnement. Cet hiver, les opposants ont montré, photos et constats d’huissier à l’appui, que le remplissage de cette retenue pendant plusieurs semaines a eu un impact visiblement négatif sur le niveau de la rivière en contrebas, Le Mignon, et obtenu que l’instruction soit rouverte.
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