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Dans le bouddhisme zen, « le rire permet de briser les convenances et l’attachement suspect à des valeurs »

Le Français Clément Sans est récemment devenu moine zen, ordonné sous le nom de Tozan (« la montagne des pêches »). Chaque mois, il nous envoie une lettre qui nous fait partager ses réflexions et son quotidien singulier, presque hors du temps. Après deux ans passés au temple Antai-ji, dans les montagnes de l’île Honshu, il poursuit désormais sa pratique à Kyoto, l’ancienne capitale impériale du Japon.

Lettre de mars. Lorsque le mot « zen » est prononcé au Japon, la première image suscitée dans l’esprit des habitants de l’Archipel est celle de la sévérité ou du sérieux. Les Japonais s’imaginent alors le regard bas et grave du méditant, ils supposent les longues nuits à étudier des textes en chinois classique, ils anticipent la discipline martiale encadrant les novices vivant dans ces grandes casernes que sont les temples zen. Certains moines importants ont pu contribuer à cette image de froideur, presque hautaine, à l’image de Dogen (1200-1253) ou de Muso Soseki (1275-1351).

Il existe pourtant dans la culture zen une grande tradition d’autodérision et d’ironie que nombre de moines continuent à maintenir à leur manière, une folie un peu punk, iconoclaste, dont on aurait du mal à trouver le strict équivalent dans d’autres branches du bouddhisme institutionnel. Dans un monde de règles et de limites parfois insensées et arbitraires, il était sûrement impossible de ne pas rire de tout ce grand carnaval spirituel qui compose la vie des moines zen.

Un art foutraque

L’art zen regorge donc de cet humour en décalé, soucieux de maintenir un espace où les registres du dérisoire et du diligent peuvent se rencontrer. Citons par exemple les figures populaires de Kanzan et Jittoku peintes à l’encre noire par Sesshu Toto (1420-1506), motif récurrent dans tout l’Archipel, sorte de duo lunatique aux expressions foutraques. C’est par des saints au visage niais, faisant la sieste ou rigolant, que la sagesse bouddhique est alors représentée, s’écartant de l’image attendue du moine étanche aux émotions simples.

A Nara, ville où toute l’histoire du bouddhisme japonais s’enracine, on trouve dans le temple Kofuku-ji ces esprits maléfiques que sont Ryutoki et Tentoki, sculptés par Kōben en 1215. Habituellement piétinées, les créatures démoniaques y sont cette fois représentées s’esclaffant, l’air espiègle, debout. A quelques mètres de là, les douze généraux célestes associés au Bouddha de médecine ont un visage farceur évoquant les acteurs du théâtre nippon, l’expression exagérée et les sourcils marqués, comme directement tirés d’un manga contemporain.

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