
Chirinne Ardakani donne rendez-vous au Temps des cerises, bistrot situé dans le 4e arrondissement de Paris au nom inspiré de la chanson qui, associée à la Commune (1871), évoque l’espoir et le sang versé. Depuis six mois, l’avocate franco-iranienne âgée de 31 ans participe elle aussi au soulèvement d’un peuple pour sa liberté. Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne, est morte à Téhéran après son arrestation par la police des mœurs. Cela a déclenché une protestation inédite, férocement réprimée par le régime des mollahs. « Je me suis dit que la diaspora devait prendre le relais des Iraniens qui payaient un lourd tribut, raconte-t-elle. Mon réflexe a été d’appeler mes pairs. »
A l’automne, aidée par le bouche-à-oreille et les bonnes volontés, Chirinne Ardakani met sur pied Iran Justice, une « task force juridique » désormais forte d’une quinzaine d’avocats, juristes et traducteurs. Cette bande soudée s’apprête à déposer plainte auprès du procureur de Paris contre Hossein Salami, chef des gardiens de la révolution et auteur de menaces de mort envers la diaspora promanifestants. « Une fatwa qui ne dit pas son nom », tranche l’avocate. Puisque les menaces ont été largement diffusées, les Franco-Iraniens en sont victimes et la justice française est donc compétente pour instruire une plainte, estime le collectif.
Ses membres y voient un premier test avant de poursuivre les responsables du régime pour les crimes contre leurs citoyens. Fonceuse et charismatique, Chirinne Ardakani est parvenue à faire parrainer par 100 parlementaires français des manifestants condamnés à mort. Fin mars, l’avocate va intervenir au conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies pour évoquer la répression en cours.
Un terrible recensement
Spécialiste de droit pénal et de droit des étrangers, née à Paris d’une infirmière et d’un médecin tous deux iraniens, Chirinne Ardakani grandit « dans un environnement très français » et entretient longtemps un lien vaporeux avec le pays de ses parents. Etudiante en droit, elle milite à l’UNEF, où elle forge sa « culture de l’engagement ». Mais son attachement à l’Iran refait surface. En septembre 2022, l’avocate est sonnée par les exactions d’un régime capable de tuer des enfants. Alors que la diaspora est traditionnellement divisée entre nostalgiques de la monarchie et militants de gauche sur la ligne du « ni chah ni mollah », l’équipe, apolitique, enjambe la mêlée. « Les générations plus âgées sont marquées par ces dissensions, mais beaucoup d’entre nous sont nés en France, note Chirinne Ardakani. Nous sommes un peu des pages blanches. »
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