Energie : « Si Vladimir Poutine veut accélérer le pivot vers l’Asie, Xi Jinping semble moins pressé »

La Russie accentue son « pivot vers l’Asie » comme les Etats-Unis l’avaient engagé en 2011, mais dans d’autres circonstances. Barack Obama s’était éloigné du Moyen-Orient et de ses conflits sans issue pour profiter du dynamisme du continent asiatique ; Vladimir Poutine tourne le dos à l’Europe contraint et forcé. Et non sans risque, de son propre aveu. Le président russe a admis pour la première fois, mercredi 29 mars, au cours d’une réunion du gouvernement retransmise à la télévision, que les sanctions occidentales « [pouvaient] vraiment avoir un impact négatif sur l’économie à moyen terme ».

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, l’arme énergétique joue un rôle central. L’an dernier, les hydrocarbures ont encore gonflé les recettes budgétaires russes de 28 %. Moscou est parvenu à « réorienter la totalité du volume des exportations [de pétrole] touchées par l’embargo » en vigueur depuis le 5 décembre, assure le ministre de l’énergie, Nikolaï Choulginov.

Cela ne durera pas. En février 2023, le baril est tombé à 50 dollars (46 euros), loin des 80 dollars du brent. Les dépenses d’exploration-production tomberont à 33 milliards de dollars cette année, 24 milliards de moins que prévu avant la guerre, selon le cabinet Rystad Energy.

Bonnes nouvelles

Pour la Russie, il est vital que la Chine et l’Inde prennent le relais du Vieux Continent, dont les achats d’hydrocarbures alimentaient la moitié de son budget. Les livraisons à la Chine, qui diversifie ses achats aux Etats-Unis et au Qatar, ne compenseront pas les 155 milliards de mètres cubes à jamais perdus en Europe. Les dirigeants du secteur de l’énergie n’en font pas moins pleuvoir les bonnes nouvelles.

Patron de Rosneft et proche de M. Poutine, Igor Setchine a indiqué, mercredi, que ses livraisons de pétrole à l’Inde allaient « augmenter considérablement ». La veille, Viktor Zoubkov, président de Gazprom, affirmait que le géant atteindrait bientôt son plafond de livraisons de gaz à l’empire du Milieu (38 milliards de mètres cubes par an) par le gazoduc Force de Sibérie.

Si M. Poutine veut accélérer le pivot vers l’Asie, Xi Jinping semble moins pressé. Le président chinois fait traîner le lancement de Force de Sibérie 2, un pipeline reliant la péninsule de Yamal au Xinjiang chinois sur 2 600 kilomètres pour acheminer 50 milliards de mètres cubes de gaz par an. Présenté à Moscou comme « pratiquement finalisé », il n’a fait l’objet d’aucun accord lors de la visite de M. Xi en Russie, du 20 au 22 mars. Ce qui illustre l’analyse lucide d’une source au Kremlin citée par le Financial Times : « La logique veut que nous devenions une colonie chinoise pour les ressources. » Tout indique que le maître du Kremlin a perdu la guerre du gaz.

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