Football, justice et banditisme : au procès de ceux qui voulaient « faire raquer » Jean-Pierre Bernès

La devise de son étude, c’était : « Ne rien lâcher ». Même message dans sa carte de vœux : un pitbull mordant un chiffon qu’on essaie de lui arracher. Jusqu’à sa chute, en octobre 2015, et son incarcération durant quatre mois, Me Michel Gillibert, l’un d’un trois administrateurs judiciaires marseillais, loué par les juges du tribunal de commerce et par le parquet, avait pignon sur rue. Une époque que cet homme aujourd’hui âgé de 70 ans a regrettée amèrement, face au tribunal correctionnel devant lequel il a comparu pour une incroyable histoire mêlant football, justice et banditisme.

Cinq ans de prison dont trois ans avec sursis et une amende de 150 000 euros ont été réclamés, mercredi 22 mars, contre cet ancien auxiliaire de justice jugé pour une complicité dans une tentative d’extorsion de l’agent de joueurs Jean-Pierre Bernès et pour « association de malfaiteurs ». A ses côtés, Richard Laaban, 78 ans, ex-figure du milieu marseillais. Un troisième homme, Simon Fedon, le pivot de cette rocambolesque affaire, est décédé en 2021, après le renvoi du dossier en correctionnelle.

En juillet 2014, le tribunal de commerce charge Me Gillibert de recouvrer auprès de Jean-Pierre Bernès une dette de 11 millions d’euros, montant des dommages et intérêts auquel cet ancien directeur général du club de football marseillais a été condamné en 1998, avec d’autres dirigeants, dont Bernard Tapie, dans l’affaire dite des comptes de l’OM.

En quinze ans, les prédécesseurs de l’administrateur judiciaire s’étaient tous cassé les dents sur le refus féroce de cet agent de joueurs aux affaires pourtant florissantes, n’ayant pu récupérer que 15 000 euros. Pour « faire raquer Bernès », comme il dit, Me Gillibert double les voies légales de recouvrement de la créance d’un mandat très officieux confié à son ami Simon Fedon – cinq fois condamné – et qui se vante de connaître des voyous.

« Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette »

« Je lui ai demandé de se renseigner sur la solvabilité de Jean-Pierre Bernès, sur d’éventuels comptes à l’étranger et de lui montrer toute ma détermination, c’est tout », a expliqué Michel Gillibert devant le tribunal. « Qu’est-ce que vous voulez, une erreur, ça ne s’efface pas, ça s’assume », s’est-il morfondu, déplorant avoir eu cette « idée débile ». Mais la mission donnée à Simon Fedon, épaulé par Richard Laaban, « un homme d’action qui n’avait pas une tête de communiant », s’arrêtait, à l’entendre, à ce rôle d’informateur.

Pas à ce qu’ont découvert les enquêteurs sur les écoutes et les sonorisations des rendez-vous entre le duo d’émissaires et Jean-Pierre Bernès. Michel Gillibert voulait que Bernès accepte un protocole transactionnel à hauteur de deux millions d’euros. Simon Fedon y avait ajouté un dessous-de-table d’un million d’euros. Mais, ça, l’administrateur l’aurait ignoré, selon ses défenseurs, Mes Philippe Bonfils et Alexandre Mathieu, qui l’ont présenté comme une victime des « élucubrations et des affabulations de Simon Fedon ». Ils ont plaidé sa relaxe.

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