
Veuve noire. Chez les arachnophobes, ce seul nom provoque des palpitations. A vrai dire, même les humains conscients qu’à peu près toutes les araignées sont inoffensives s’inquiètent à l’évocation du petit spécimen américain, à l’abdomen noir marqué d’une sorte de sablier rouge vif, et au redoutable venin. Ce dernier qualificatif mériterait pourtant d’être relativisé. Douleur vive, spasmes musculaires, nausée, tachycardie et hypertension : la morsure de veuve noire peut s’avérer très désagréable. Mais les cas mortels restent rarissimes : un seul décès, discuté, au cours des dernières années. Une enquête américaine a conclu que 3,75 % seulement des quelque 1 000 morsures annuelles de veuves noires provoquent des symptômes aigus. « J’ai été mordu une fois, se souvient Louis Coticchio, un ancien soigneur d’espèces venimeuses qui a repris des études de zoologie à l’université de Floride du Sud, et je n’ai ressenti qu’une douleur vive et une inflammation locale au point d’injection. »
Le chercheur le rappelle : la veuve noire ne fait usage de son venin qu’en dernière extrémité, lorsque, prisonnière, elle subit une pression sur son exosquelette. « Sinon, elle fuit ou fait la morte », dit-il. Dans un article publié le 13 mars dans les Annales de la société américaine d’entomologie, Coticchio et deux collègues révèlent que ce caractère « timide » lui vaut d’être harcelée et même régulièrement tuée par la veuve brune, une cousine débarquée d’Afrique il y a près d’un siècle.
Le chercheur s’en est d’abord aperçu en Californie, entre 2014 et 2018 : partout où les deux espèces cohabitaient, la population de veuves noires diminuait. De retour dans sa Floride natale, il fait la même observation. « Mais je ne connaissais pas la cause de ce déclin, raconte-t-il. Est-ce que les veuves noires fuyaient, ou étaient-elles tuées ? Nous avons lancé cette recherche. »
L’affrontement de deux tempéraments
Les biologistes constatent d’abord une fertilité deux fois plus importante chez les brunes. Insuffisant toutefois pour expliquer le déséquilibre. Grâce à des modèles mathématiques, ils écartent l’hypothèse d’une fuite née d’un manque de nourriture. C’est finalement d’un conteneur censé reproduire leur milieu que le verdict tombe.
Brunes et noires ne s’y trouvent en effet pas seules. Deux autres espèces d’araignées – Nesticodes rufipes et Steatoda triangulosa, la malmignatte des maisons – participent à la fête. Si la veuve brune se montre globalement la plus agressive, ses confrontations avec ces deux espèces se terminent souvent sans dommages. En revanche, la probabilité d’une interaction mortelle est 6,6 fois plus importante avec une veuve noire. Pire : quand une femelle brune préadulte croise une jeune veuve noire, elle l’attaque, la tue et la consomme dans 80 % des cas. A l’inverse, les chercheurs n’ont observé aucune agression venue des veuves noires.
Il vous reste 25.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.