La Thaïlande se prépare à des élections législatives cruciales en mai

Après la dissolution de l’Assemblée nationale, lundi 20 mars, par le premier ministre, Prayuth Chan-o-cha, la Thaïlande devra organiser des élections législatives dans moins de soixante jours, en principe le 7 mai. Ce scrutin, le deuxième depuis le coup d’Etat de 2014, est lourd d’enjeux puisqu’il dira si le pays reste prisonnier de l’entre-deux politique qui a suivi les élections de 2019, ou s’il (re)devient davantage démocratique, avec un probable retour au pouvoir du clan Thaksin, du nom de l’ex-premier ministre en exil dont la force de frappe électorale, à travers sa formation politique, continue d’être sans égale.

En 2019, les trois généraux putschistes, menés par l’ex-chef des armées Prayuth (les Thaïlandais désignent les responsables politiques par leur prénom), avaient remisé leurs uniformes pour des habits civils taillés sur mesure avec la bénédiction du palais royal : pour se maintenir au pouvoir, ils avaient bénéficié d’un Sénat qui leur était acquis et de plusieurs coups de force juridiques ayant permis de dissoudre des partis d’opposition et de rendre inéligibles des dirigeants du camp d’en face.

Quatre ans plus tard, les 250 sénateurs aux ordres sont toujours là, la Constitution adoptée par la junte militaire en 2017 imposant leur participation au vote désignant le premier ministre jusqu’en 2024. Le général Prayuth est toujours candidat à sa réélection, même s’il ne pourra pas occuper ce poste plus de deux ans, pour ne pas excéder la limite constitutionnelle de durée de mandat.

Fractures favorables à l’opposition

Et aucun tour de passe-passe de dernière minute n’est à exclure de la part d’un gouvernement semi-autoritaire qui a usé et abusé des outils répressifs mis à sa disposition par une justice sous emprise : près de 1 800 personnes ont été inculpées pour des crimes dits « politiques » depuis les grandes manifestations antiroyalistes de l’été 2020, dont environ 230 pour des violations de la loi de lèse-majesté. Une interprétation ultrazélée du fameux article 112 du code pénal a même conduit à la condamnation à deux ans de prison, le 7 mars, d’un homme de 26 ans pour avoir vendu sur Internet des calendriers représentant des canards de bain, au prétexte qu’ils prenaient des poses pouvant faire penser au monarque et ternir sa réputation.

Dans le camp d’en face, le grand favori dans les sondages est le parti Pheu Thai (« Parti pour les Thaïlandais », créé en 2008), troisième avatar du parti politique de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d’Etat en 2006. Victorieuse de toutes les élections depuis 2001, la formation des Shinawatra, très populaire dans la classe moyenne et dans l’immense Nord-Est défavorisé, ambitionne de remporter d’emblée 376 sièges sur 500 à l’Assemblée. Cela lui permettrait d’élire le premier ministre – ce pourrait être la fille cadette de Thaksin, Paetongtarn Shinawatra – sans les 250 voix des sénateurs. D’abord nommée conseillère en innovation du Pheu Thai en 2021, Mme Shinawatra, 38 ans et enceinte de huit mois, s’est hissée depuis lors en tête des sondages. Le cas échéant, le Pheu Thai peut compter sur plusieurs partenaires de coalition, dont le parti Move Forward, incarnation du renouveau démocratique en Thaïlande : il a multiplié les initiatives audacieuses au Parlement et rassemble derrière lui la jeunesse rebelle.

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