
Les services de sécurité russes ont annoncé, jeudi 30 mars, l’arrestation pour « espionnage » du correspondant en Russie du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, une première dans l’histoire récente du pays. Dans un bref communiqué, le quotidien américain se dit « profondément préoccupé pour la sécurité » de son journaliste et dément toute activité d’espionnage.
Evan Gershkovich, 31 ans, avait disparu mercredi soir dans la ville de Iekaterinbourg, dans l’Oural, où il travaillait sur l’attitude de la population locale envers le groupe Wagner. Selon des témoins, le journaliste américain a été emmené par des inconnus dans le restaurant où il dînait, un vêtement sur la tête. Il n’a plus donné de nouvelles depuis.
Jeudi matin, les services de sécurité portaient des accusations précises et graves à son encontre : « Le FSB [le service de sécurité russe] a déjoué l’activité illégale du correspondant accrédité du bureau moscovite du journal américain Wall Street Journal, le citoyen des Etats-Unis Evan Gershkovich. (…) Agissant sur instruction de la partie américaine, il recueillait des informations constituant un secret d’Etat sur les activités d’une entreprise du complexe militaro-industriel russe. » Evan Gershkovich aurait même été arrêté « alors qu’il tentait d’obtenir des informations secrètes », écrit le FSB.
Jeudi après-midi, le tribunal moscovite de Lefortovo, compétent pour ce type d’affaires, a confirmé le placement en détention provisoire du journaliste, confirmant aussi que celui-ci avait été transféré à Moscou.
Charges passibles de dix à vingt ans de prison
La porte-parole du ministère des affaires étrangères a immédiatement estimé que le journaliste avait été « pris la main dans le sac ». Selon Maria Zakharova, d’autres Occidentaux ont déjà « utilisé le statut de “correspondant étranger” à des fins de couverture de leurs activités », sans donner de détail. Aucun journaliste étranger n’avait en tout cas été arrêté jusque-là pour des charges aussi graves, passibles de dix à vingt ans de prison.
Plusieurs journalistes russes ont en revanche été accusés ces dernières années de haute trahison. La pression accrue mise par le pouvoir russe depuis le début de « l’opération militaire spéciale » contre l’Ukraine, début 2022, a aussi visé en priorité les journalistes russes indépendants, dont la plupart ont dû se résoudre à l’exil pendant que d’autres étaient emprisonnés pour « discréditation de l’armée » ou « diffusion de fausses informations ».
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui aussi assuré qu’Evan Gershkovich avait été pris « en flagrant délit », et mis en garde Washington contre d’éventuelles « représailles » contre les médias russes opérant aux Etats-Unis. La diplomatie américaine n’avait de son côté pas immédiatement réagi.
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