Le gouvernement veut revenir sur la procédure d’interdiction d’un herbicide majeur

Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de revenir sur sa volonté d’interdire les principaux usages de l’herbicide S-métolachlore, encore autorisé dans l’Union européenne, a-t-il annoncé, jeudi 30 mars.

« Je viens de demander à l’Anses une réévaluation de sa décision sur le S-métolachlore, parce que cette décision n’est pas alignée sur le calendrier européen et qu’elle tombe » sans « alternatives crédibles », a déclaré Marc Fesneau devant les congressistes du syndicat agricole FNSEA, réunis depuis mardi à Angers.

« C’est une déclaration extrêmement grave qui porte atteinte à l’indépendance de l’Anses », s’est scandalisé auprès de l’Agence France-Presse le député socialiste Dominique Potier. « Elle remet en cause une loi de 2014 qui fait consensus depuis dix ans et qui prévoit que les ministères abandonnent leurs prérogatives pour faire confiance à l’Anses », a-t-il ajouté.

L’Anses avait annoncé le 15 février sa volonté d’interdire les principaux usages du S-métolachlore, très utilisé en France, notamment sur les cultures de maïs. Il se décompose en sous-produits responsables d’une vaste pollution des nappes phréatiques.

« Substance cancérigène suspectée »

« Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence », a affirmé Marc Fesneau auprès des agriculteurs. « Il faut se baser sur la science pour évaluer avant de décider (…), mais l’Anses n’a pas vocation à décider de tout, tout le temps, en dehors du champ européen et sans jamais penser les conséquences pour nos filières », a-t-il ajouté.

L’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, est chargée depuis 2015 de réévaluer l’autorisation de cet herbicide. Elle l’a classé parmi les substances cancérigènes suspectées en 2022, et semble s’orienter vers une interdiction, selon l’ONG Générations Futures.

L’Anses, qui n’a pas encore rendu sa décision définitive sur l’herbicide, n’a pas souhaité faire de commentaire sur les propos du ministre.

« Je ne remets pas en cause le travail, je dis juste qu’il faut qu’on change de méthode, et donc on va changer de méthode », a précisé Marc Fesneau.

Le ministre « se met à la main du pouvoir économique à court terme », a encore dénoncé le député Dominique Potier. « Quand un produit est cancérigène, il est retiré, c’est la doctrine française et il ne revient pas à un lobby économique de revenir dessus », a-t-il ajouté.

Au Salon international de l’agriculture, à la fin de février, le président de la République, Emmanuel Macron, puis la première ministre, Elisabeth Borne, avaient annoncé un « plan de développement d’alternatives pour les produits phytosanitaires les plus importants », assurant les agriculteurs du soutien de l’Etat après de récentes interdictions liées à leur usage. « Nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen », avait assuré Mme Borne.

Le Monde avec AFP