« Le préfet de police a intégré à sa politique de maintien de l’ordre le recours systématique aux interpellations préventives »

Le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a affirmé, jeudi 23 mars, qu’« il n’y a pas d’interpellations préventives, ça n’existe pas dans notre pays ». La veille, le ministre de l’intérieur, Gérard Darmanin, a affirmé, à tort, que la participation « à une manifestation non déclarée est un délit qui mérite interpellation ».

Nous, avocates et avocats, exprimons notre plus grande préoccupation face à la politique d’arrestations préventives mise en œuvre sous l’autorité du préfet de police dans le cadre des manifestations contre la réforme des retraites et le recours à l’article 49.3 de la Constitution.

Cette réforme ainsi que les modalités de son adoption au Parlement ont donné lieu à des mobilisations parmi les plus importantes que notre pays ait connues. Jusqu’à l’annonce par la première ministre de l’engagement de la responsabilité de son gouvernement, elles se sont déroulées dans le calme.

La procédure pénale instrumentalisée

Depuis le 16 mars, près de neuf cents personnes ont été interpellées et placées en garde à vue dans le cadre de manifestations à Paris. Largement évoquées par la presse, ces arrestations visent indifféremment touristes, promeneurs et manifestants, mineurs pour certains. A la suite de ces gardes à vue qui ont pu durer plusieurs dizaines d’heures, la grande majorité de ces personnes ont bénéficié d’un classement sans suite.

Ces éléments indiquent que le préfet de police a intégré à sa politique de maintien de l’ordre le recours systématique aux interpellations préventives.

Cependant, la loi pénale, d’interprétation stricte, n’autorise le recours à la garde à vue qu’à l’égard de la personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.

Force est de constater qu’en refusant de poursuivre les personnes interpellées, l’autorité judiciaire admet l’absence de la moindre infraction constituée à l’égard des intéressés. Les enquêtes journalistiques et les témoignages des personnes interpellées montrent que notre procédure pénale est instrumentalisée au profit d’une politique de maintien de l’ordre pour le moins particulière.

Une politique qui contrevient aux libertés

Soit ces arrestations, menées par l’autorité administrative, interviennent contre des individus dont on présume la volonté de commettre une quelconque infraction, elles sont alors préventives ; soit ces arrestations interviennent après qu’une infraction a été commise mais contre des individus pris au hasard dans la foule, elles sont alors arbitraires.

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