« L’enquête sur “l’islamo-gauchisme” à l’université n’aura pas lieu et n’avait pas lieu d’être »

La parole du gouvernement ne l’engage en rien. Il aura fallu deux ans après l’annonce, en février 2021, du lancement d’« une enquête » sur « l’islamo-gauchisme » à l’université par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, pour que le ministère réponde, le 17 mars 2023, au recours introduit par six enseignants-chercheurs le 13 avril 2021 devant le Conseil d’Etat. Le ministère a assuré au Tribunal administratif de Paris que cette annonce constituait « une simple déclaration d’intention », « sans effet juridique direct ». Les propos de la ministre n’engageraient donc pas sa responsabilité.

Souvenons-nous. Le 14 février 2021, Frédérique Vidal déclare que « l’islamo-gauchisme gangrène la société », mais aussi « l’université », et qu’elle a décidé de « demander au [Centre nationale de la recherche scientifique] de faire une enquête […] pour distinguer ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme et de l’opinion ». Elle le répète les jours suivants dans d’autres médias et le confirme à l’Assemblée nationale en réponse à la question d’une députée.

En protestation contre cette « chasse aux sorcières », une tribune de 600 universitaires (avec bientôt 23 000 signataires) réclame sa démission, l’accusant « de diffamer une profession et, au-delà, toute une communauté […] qu’il lui appartient, en tant que ministre, de protéger ». En solidarité, 200 universitaires de langue anglaise publient une tribune dénonçant la « menace de censure » qui s’abat sur leurs collègues de France.

Beaucoup de bruit pour rien

La ministre fait écho aux propos d’Emmanuel Macron qui, en juin 2020, accusait les universitaires de « casser la République en deux », amplifiés par son ministre de l’éducation nationale : au lendemain de la mort de Samuel Paty, Jean-Michel Blanquer dénonçait des « complicités intellectuelles avec le terrorisme » pour s’en prendre aux « auteurs intellectuels de cet assassinat ». Les accusations de Frédérique Vidal sur un « islamo-gauchisme » universitaire imaginaire résonnent également avec l’argumentaire présidentiel pour la loi contre le « séparatisme », adoptée quelques mois plus tard.

Estimant que cette enquête constituait un abus caractérisé, empiétant gravement sur les libertés académiques, des universitaires ont alors formé un recours pour excès de pouvoir. Depuis, leurs avocats, William Bourdon et Vincent Brengarth, n’ont cessé de demander communication des actes constitutifs de cette enquête : silence de la ministre et du ministère.

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