Les multinationales européennes aimantées par les dollars de subventions américaines

Ilham Kadri, PDG de Solvay, à Davos, le 19 janvier.

Petits fours, bière à flots et salle comble sur les hauteurs de Davos. A l’occasion du Forum économique mondial, Alexander De Croo, le premier ministre belge, reçoit le gotha de l’industrie du « plat pays » devant le roi et la reine de Belgique. A commencer par Ilham Kadri, PDG de Solvay, une institution nationale et l’un des derniers grands chimistes européens. On devait parler relance de l’industrie européenne, mais d’un coup, la patronne lâche : « Oui, nous irons aux Etats-Unis. Nous prendrons le chèque de l’IRA [Inflation Reduction Act] et c’est normal ! La législation américaine n’est pas notre ennemie. C’est la meilleure chose qui puisse arriver à l’Europe. »

La meilleure, vraiment ? Tous n’ont pas l’air de trouver excellente cette vague de subventions que le président Joe Biden entend déverser sur les entreprises qui acceptent de produire « vert » sur le sol américain. Le président Emmanuel Macron, lors de sa visite sur place le 1er décembre 2022, a même parlé d’un « risque de fragmentation de l’Occident ». D’ailleurs, Ilham Kadri reconnaît que cette bonne nouvelle fait courir un « risque majeur de désindustrialisation à l’Europe ». Assis à côté d’elle, Aditya Mittal, le patron du géant de l’acier ArcelorMittal, approuve le sombre pronostic.

Depuis trois mois, les grands industriels européens envoient tous le même signal : si l’Europe ne réagit pas rapidement, elle perdra la bataille. Le premier à avoir agité la menace est le chimiste allemand BASF. Premier consommateur de gaz du pays, il avait clairement annoncé en octobre vouloir réduire « de manière permanente » ses investissements en Europe. « Si l’on met cinq ans à discuter de la modification marginale de l’IRA américain, 10 % à 30 % de l’industrie européenne auront disparu », a assuré pour sa part le PDG de Saint-Gobain, Benoit Bazin, au Club de l’économie du Monde, le 1er février.

Méthodologie imbattable

Le géant de l’automobile Volkswagen a été encore plus explicite le 8 mars dans le Financial Times. Il a menacé d’abandonner ou de retarder un projet d’usine de batteries en Europe de l’Est pour en ouvrir une en Amérique. La raison tient en un chiffre : 10 milliards de dollars, soit le montant des aides que lui promettent les autorités locales pour s’implanter. Une semaine plus tard, le groupe annonçait la construction d’une unité géante dans l’Ontario canadien avec des montants d’aide similaires.

Pourtant, sur le papier, l’Union européenne a déjà réagi vigoureusement. Dans une récente note du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, l’économiste Antoine Bouët souligne que les subventions aux filières vertes dans l’Union européenne représentent 0,5 % de son produit intérieur brut (PIB) contre 0,2 % du PIB américain par an pour l’IRA. Et puis, comme le souligne Philippe Martin, professeur d’économie à Sciences Po, il ne faut pas oublier que, par rapport à l’Amérique, l’Europe reste un très grand exportateur et un très grand industriel.

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