
Certaines innovations numériques me laissent de marbre. N’allez pas croire que je suis rétive à l’informatique et aux nouvelles technologies, c’est même tout le contraire. Mais enfin, le lancement du métavers à grand renfort de cors et trompettes, il y a un an, a sonné creux à mon oreille. J’avais même cette blague : « Tu connais la différence entre Second Life et le métavers ? Dix-neuf ans. » Car oui, le premier a précédé le second de presque deux décennies, et l’évolution n’a rien de folichon. Souvenez-vous quand, le 18 mai 2022, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, a annoncé des entretiens d’embauche sur son métavers, moche comme un cendrier sale, la gênance était totale. Alors qu’il aurait tout simplement pu le faire sur un serveur Minecraft ou, plus cocasse, sur un serveur GTA RP, éprouvés depuis des années. Là, ça aurait eu une autre gueule.
Faire passer un entretien d’embauche face à la mer à Paris : je faisais aujourd’hui mes premiers pas dans le Metave… https://t.co/tjEfxWiKzR
— bompard (@Alexandre Bompard)
Il y a une angoisse sourde sous ce constat : à quand les salons de vin dans le métavers ? Ce n’est pas une blague. Pendant le confinement, nous les avons expérimentés en mode virtuel, avec conférences en visio et miniéchantillons expédiés à domicile. Ma foi, c’était réussi. Et sûrement plus écologique que les raouts classiques. Pourtant, dès que le monde a recommencé à tourner, on a eu envie d’humain, de contact, de verres de rouge renversés ailleurs que sur son bureau.
C’est que ce breuvage digère mal le numérique (la plaisanterie de la clé USB qui verserait du vin téléchargé en ligne est éculée, mais on nous la ressort régulièrement). Meilleures dans un verre que derrière un écran, les dernières tendances high-tech ont tendance à glisser sur lui. Alors, quand les annonces de NFT vinicoles ont commencé à inonder ma boîte e-mail, je n’ai pas levé un sourcil. J’ai plutôt froncé les deux.
J’avais en partie tort. Car, si les effets spéculatifs des NFT sur les grands vins sautent aux yeux, leurs qualités, quoique discrètes, sont bien réelles. Les NFT (pour non-fungible tokens, donnée numérique qui certifie l’authenticité et la propriété d’un bien, souvent virtuel, par un protocole de blockchain) sont davantage utilisés pour les œuvres d’art. Logique puisqu’ils permettent de revendiquer la propriété d’un fichier numérique qui contiendrait, par exemple, une vidéo, une image ou un son, reproductibles à l’infini et donc particulièrement difficiles à protéger. Un NFT permet donc d’acquérir un bien, même immatériel, puis de le revendre plus cher puisqu’il est ainsi devenu unique. Parfait pour les collectionneurs. Parfait aussi pour créer une magnifique bulle spéculative. Qui, comme toutes les bulles, éclatera un jour plus ou moins lointain.
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