
La belle mécanique qui portait la voiture électrique, promise à une irrésistible ascension, s’est brusquement enrayée, quelque part entre Bruxelles et Strasbourg. Provoquée par la volte-face allemande qui bloque la ratification de l’accord européen interdisant la commercialisation de véhicules thermiques à l’horizon 2035, cette chute de tension fait émerger une contestation qui, jusqu’alors, se diffusait à bas bruit.
En revendiquant un statut de « zéro émission » en faveur des carburants de synthèse – dont les vertus environnementales comme la disponibilité sont problématiques et le coût très élevé –, l’Allemagne a cristallisé l’opposition à une transition accélérée vers l’électrique. Berlin, qui avait pourtant été l’un des principaux artisans de l’accord, a entraîné dans son sillage une coalition de pays qui, jusqu’alors, n’exprimaient pas aussi clairement leur défiance.
L’Italie, mais aussi la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne, la Roumanie et la Hongrie produisent sur leur sol des voitures thermiques et ont en commun de n’avoir pas lancé de programme massif d’électrification de leur parc automobile. L’économiste Bernard Jullien, maître de conférences à l’université de Bordeaux, remarque également qu’en Allemagne se dessine un mécontentement croissant parmi « les PME de la sous-traitance, qui voient les grands groupes se réapproprier une partie de leur activité ».
« Un énorme appel d’air »
Les conséquences sociales de la mutation de l’automobile commencent à devenir perceptibles. L’annonce mi-février par Ford Europe − qui va réduire et électrifier sa gamme − de supprimer 3 800 postes, principalement en Allemagne et au Royaume-Uni, confirme que les changements en cours seront douloureux en matière d’emploi. Quant à l’augmentation du coût des matières premières nécessaires à la production de batteries et au renchérissement du prix de l’électricité, ils pèsent sur les coûts d’acquisition et d’usage. Certains constructeurs remarquent que les prises de commandes de véhicules électriques ne progressent plus aussi rapidement.
En France, où la voiture électrique pèse désormais 13 % des immatriculations, la transition vers le « zéro émission » n’a rien d’un long fleuve tranquille. Depuis quelques mois, un vent de panique saisit les élus locaux confrontés à la généralisation, prévue à partir de 2025, des Zones à faibles émissions (ZFE) dans les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants.
A Lyon, Marseille, Paris, Reims ou Grenoble, les mesures d’interdiction des véhicules les plus polluants (à commencer par les diesels) ont été assouplies ou sont en train de l’être. Ce rétropédalage est imposé par l’opposition palpable d’une partie de la population, confrontée à l’impossibilité d’opter pour un véhicule récent − surtout s’il est électrique − malgré les aides publiques. Le discours ouvertement anti-ZFE du Rassemblement national renforce le caractère potentiellement explosif de cette question.
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