
L’incendiaire de la cathédrale de Nantes, en juillet 2020, a été condamné, mercredi 29 mars, à quatre ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de la ville. La cour a retenu une altération du discernement de cet homme au moment des faits. Le ministère public avait requis six ans de prison si l’altération du discernement était retenue et huit ans dans le cas inverse contre Emmanuel Abayisenga, 42 ans, de nationalité rwandaise.
Le tribunal a assorti la condamnation d’une interdiction de porter une arme et de séjourner dans le département de Loire-Atlantique pour une durée de cinq ans. M. Abayisenga, fragile psychologiquement, était poursuivi pour « dégradation et destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ».
Son avocate, Meriem Abkoui, qui avait plaidé l’abolition du discernement au moment de l’incendie, estime toutefois que « la question de sa responsabilité pénale demeure ». « Il y a beaucoup d’aléas dans ses réponses qui manquent parfois de cohérence », a-t-elle déclaré après le jugement, disant attendre les résultats des expertises psychiatriques dans une autre procédure. M. Abayisenga est en effet mis en examen pour l’assassinat du père Olivier Maire en août 2021 en Vendée. Son procès pourrait se tenir fin 2024 selon son avocate.
« C’est bien une vaste colère et un sentiment de vengeance lié à sa situation administrative qui est à l’origine de cette mise à feu consciente et méthodique », a argumenté la procureure, Véronique Wester-Ouisse, soulignant que la cathédrale de Nantes, qui a été « profondément dégradée », représente « notre patrimoine à tous ».
Le visage émacié et très affaibli, M. Abayisenga, arrivé en France en 2012 et bénévole pour le diocèse de Nantes depuis 2016, a été autorisé à rester assis dans son box pour répondre aux questions de la présidente du tribunal. Il a reconnu les faits, expliquant qu’il s’était rendu au petit matin dans la cathédrale pour prier afin de « trouver un apaisement » mais qu’il avait ensuite « perdu le contrôle » en passant devant un endroit de l’édifice où il avait subi une violente agression le 31 décembre 2018. « Je regrette ce qui s’est passé », a ajouté le prévenu, avant de demander « pardon ».
Obligation de quitter le territoire
Les trois foyers d’incendie allumés dans la cathédrale ont entièrement détruit le grand orgue datant de 1619, le clavier de l’orgue de chœur et un tableau de 1836 de Flandrin représentant Saint-Clair guérissant les aveugles. L’avocat de l’Etat, propriétaire de l’édifice, chiffre l’ensemble du préjudice à plus de 40 millions d’euros.
Sur son parcours de vie au Rwanda, M. Abayisenga a décrit une enfance « sans problème » entouré de ses parents et de ses onze frères et soeurs. Il a précisé que son père n’avait pas été assassiné sous ses yeux en 1996, comme le mentionnaient son dossier de demande d’asile et ses précédentes déclarations, mais serait mort de « maladie ». « C’est un dossier que des passeurs ont fait pour moi pour que je puisse obtenir des papiers », a-t-il expliqué, refusant de répondre précisément aux questions concernant son passé au Rwanda, où il travaillait comme secrétaire pour la police nationale.
En France, où il était hébergé chez des frères franciscains depuis 2018, il s’était investi dans de nombreuses associations (Croix-Rouge, Secours catholique, le diocèse de Nantes…). Il est décrit par ces dernières comme un bénévole « serviable, discret et efficace ».
Ses demandes d’asile n’ont jamais abouti. Une nouvelle obligation de quitter le territoire délivrée en novembre 2019 l’aurait profondément « perturbé ». Dans un courriel adressé à tous ses contacts le matin de l’incendie, M. Abayisenga confiait son amertume face à sa situation administrative et son agression.
Le tribunal a longuement évoqué les soucis de santé physique et psychique du prévenu, qui souffre notamment de troubles de l’audition, d’incontinence, de problèmes pulmonaires et de troubles du comportement alimentaire. Il a par ailleurs effectué plusieurs séjours en psychiatrie et prend des traitements antipsychotiques.