
Benyamin Nétanyahou est au pied du mur. Le soir du dimanche 27 mars, en limogeant son ministre de la défense, Yoav Gallant, qui avait appelé publiquement à reporter la réforme de la justice, le premier ministre israélien espérait étouffer la fronde en germe au sein de son parti, le Likoud. Mais finalement il a attisé la colère de la rue, démontrant par ce limogeage le jusqu’au-boutisme de son gouvernement, sourd depuis trois mois au mouvement de contestation de son projet visant à réduire drastiquement les pouvoirs de la Cour suprême. Lundi matin, le chef du gouvernement poursuivait ses consultations, débordé par les protestations qui ont atteint une ampleur jamais vu jusque-là, et craignant que sa coalition ne s’effrite, rongée par les désaccords sur la marche à suivre.
La presse israélienne laissait entendre que le premier ministre envisage désormais un report de sa réforme. Il est assuré du soutien des deux partis ultraorthodoxes, le Shass et le Judaïsme unifié de la Torah, ainsi que de trois ministres du Likoud, Nir Barkat, Miki Zohar et Amichai Chikli, qui se sont exprimés publiquement sur le sujet. Benyamin Nétanyahou avait prévu de s’exprimer en milieu de matinée, pour faire part de sa décision avant d’annuler son discours. Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, du parti suprémaciste Otzma Yehudit (« puissance juive »), menaçait de faire tomber le gouvernement si le projet de refonte du système judiciaire était suspendu. Le ministre de la Justice, Yariv Levin, qui pilote la réforme depuis son lancement, le 4 janvier, aurait également mis sa démission dans la balance.
Sortant de sa traditionnelle réserve, le président Isaac Herzog a tenté lundi matin de persuader le premier ministre de céder. « Nous avons vu des scènes très difficiles cette nuit, a-t-il dit. Au nom de l’unité du peuple d’Israël, au nom de la responsabilité qui nous oblige, je vous demande d’arrêter immédiatement le processus législatif. » Depuis hier soir, ce genre d’appels se multiplient. L’un des avocats du premier ministre, Boez Ben Zur, a même menacé de ne plus le représenter s’il ne faisait pas marche arrière
« Une menace pour la sécurité »
Pour le premier ministre, il y a urgence à trancher. Le limogeage de Yoav Gallant a provoqué une onde de choc. Moins d’une heure après son renvoi, des dizaines de milliers d’Israéliens se sont rassemblés spontanément un peu partout dans le pays, bloquant certains axes routiers, marchant vers la Knesset, le Parlement israélien, ainsi que vers la résidence du premier ministre à Jérusalem. Ils ont été évacués quelques heures plus tard. L’autoroute Ayalon, le périphérique de Tel-Aviv, n’a été rouverte qu’au petit matin, lundi. Une nouvelle manifestation était prévue dans l’après-midi devant la Knesset, alors que l’opposition, enhardie par sa démonstration de force, appelait à une « semaine de paralysie ».
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