
Au-dessus de la lourde porte d’entrée, une sphinge sculptée, qui dit à la fois le pouvoir, l’impassibilité et le secret. Puis l’escalier d’honneur, qui mène à la salle des délibérations, au premier étage de l’aile Montpensier du Palais-Royal, où s’est installé le Conseil constitutionnel au lendemain de sa création, en 1958. C’est dans cette pièce feutrée, aux teintes bleues et or, que le président, Laurent Fabius, et les huit membres de l’institution délibéreront de la délicate réforme des retraites. Avant de rendre publique leur décision, vendredi 14 avril.
Les neuf juges constitutionnels devront dire si la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont la mesure-phare (le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans) cristallise toutes les oppositions, est conforme à la Constitution. Il y a huit jours, des députés et sénateurs de gauche, et des députés du Rassemblement national (RN), ont déposé trois recours contre le texte.
Ces élus d’opposition critiquent le véhicule choisi par le gouvernement pour sa réforme, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFSSR), via l’article 47.1 de la Constitution, ayant permis d’examiner le texte dans un temps restreint. Celui-ci a été adopté sans vote le 16 mars, grâce à l’article 49.3 de la Constitution. Ils reprochent aussi à l’exécutif d’avoir produit une information « insincère » en multipliant les déclarations contradictoires sur plusieurs points de la réforme, le montant de la pension minimum, notamment.
Prenant les devants, la première ministre, Elisabeth Borne, a elle aussi saisi la juridiction sur cette loi, « eu égard à l’importance de la réforme qu’elle porte », précise la secrétaire générale du gouvernement, Claire Landais, dans un courrier adressé à Laurent Fabius, le 21 mars. Le Conseil doit également se prononcer sur la recevabilité de la demande de référendum d’initiative partagée (RIP) lancée par 250 parlementaires d’opposition.
Intense pression
La pression est intense sur ses neuf membres, nommés par le président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. « Une annulation [de la loi] offrirait une sortie de crise pour tout le monde », veut croire – et il n’est pas le seul – le député (Parti socialiste, PS) Boris Vallaud, selon lequel cette décision comporte aussi une « dimension existentielle » pour l’institution du Palais-Royal.
En 2006, celle-ci avait été soumise à une pression analogue, alors que les manifestations se durcissaient contre la loi sur l’égalité des chances et le contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin. Le Conseil avait déclaré le texte conforme à la Constitution, « alors que cela aurait pu aider le gouvernement que nous le censurions », reconnaît aujourd’hui la sociologue Dominique Schnapper, qui a participé à la délibération. Enlisé, Jacques Chirac avait promulgué la loi dans la foulée mais réclamé que celle-ci ne soit pas appliquée.
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