
Un ancien président de la République observe son successeur, mercredi 22 mars, apparaître sur l’écran à l’heure du déjeuner, au journal télévisé de TF1 et France 2. Alors qu’Emmanuel Macron parle aux Français pour tenter de s’extraire de la crise, aggravée après l’adoption de la réforme des retraites par 49.3, François Hollande songe que « ça ne risque pas d’apaiser ». Depuis le jardin d’hiver de l’Elysée, le chef de l’Etat clive. Jusqu’à dépeindre une menace portée aux institutions et à la démocratie. « Il y a des légitimités qui existent », sermonne-t-il, au premier rang desquelles celle du président de la République. « On ne peut accepter ni les factieux, ni les factions », lâche-t-il avec les mots qu’il employait au temps de la crise des « gilets jaunes », en concevant des groupes violents ou qui rêveraient de renverser le régime.
Comme la veille devant les élus de sa majorité, Emmanuel Macron s’affirme garant de « l’ordre républicain » face au chaos. Alors qu’éclataient des incidents en marge de manifestations partout en France, le chef de l’Etat désignait mardi « la foule », dont il conteste la « légitimité », par opposition au « peuple qui s’exprime souverain à travers les élus ». La formule a aussitôt électrisé ses adversaires. Et provoqué le malaise de son principal allié, François Bayrou, qui trouve le mot excessif et décrit un « mur de verre » rompant le dialogue « entre les pouvoirs officiels et les citoyens de base ».
Derrière les murs épais de l’Elysée, Emmanuel Macron poursuit ; il désigne mercredi une minorité de « groupes » qui « utilisent l’extrême violence pour agresser des élus » ou manifestent « sans règles ». « Alors là, ce n’est plus la République », tranche net le chef de l’Etat. Au mouvement social porté par les actifs dans une « ambiance de “gilets jaunes” », note-t-on à Matignon, s’adjoignent des « jeux du chat et de la souris » urbains, faits de feux, de dégradations et de tensions entre de jeunes manifestants plus politisés et les forces de l’ordre. Un adversaire désigné dans une contre-offensive présidentielle au parfum sécuritaire, plus facile à discréditer qu’une majorité de Français.
Mais le tableau d’une République défiée contraste avec les innombrables vidéos capturées au smartphone, qui circulent librement sur les réseaux sociaux et donnent à voir des brigades mobiles matraquer des manifestants non violents. Aucune allusion, aucun mot au cours de l’interview n’est prononcé pour décourager les violences policières et appeler les forces de l’ordre au discernement, malgré près de 300 arrestations abusives à Paris. Un ingénieur de 26 ans, qui prenait des photos dans la manifestation jeudi 16 mars, a reçu un coup de matraque alors qu’il se trouvait au sol ; il s’est vu amputé d’un testicule.
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